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Le 28 juillet 2017

 

British Columbia Security Commission

Alberta Securities Commission

Financial and Consumer Affairs Authority of Saskatchewan

Commission des valeurs mobilières du Manitoba

Commission des valeurs mobilières de l’Ontario

Autorité des marchés financiers

Commission des services financiers et des services aux consommateurs (Nouveau-Brunswick)

Superintendent of Securities, Department of Justice and Public Safety, Île-du-Prince-Édouard

Nova Scotia Securities Commission

Securities Commission of Newfoundland and Labrador

Surintendant des valeurs mobilières, Territoires du Nord-Ouest

Surintendant des valeurs mobilières, Yukon

Surintendant des valeurs mobilières, Nunavut

 

 

Secrétaire

Commission des valeurs mobilières de l’Ontario

20, rue Queen Ouest

22e étage

Toronto (Ontario) M5H 3S8

Lettre envoyée par courriel à l’adresse : comments@osc.gov.on.ca

 

Me Anne-Marie Beaudoin

Secrétaire générale

Autorité des marchés financiers

800, rue du Square-Victoria, 22e étage

C.P. 246, tour de la Bourse

Montréal (Québec) H4Z 1G3

Télécopieur : 514 864-6381

Courriel : consultation-en-cours@lautorite.qc.ca

 

OBJET :   Document de consultation 51-404 des ACVM – Considérations relatives à la réduction du fardeau réglementaire des émetteurs assujettis qui ne sont pas des fonds d’investissement

 

Nous vous écrivons au sujet du document de consultation 51-404 – Considérations relatives à la réduction du fardeau réglementaire des émetteurs assujettis qui ne sont pas des fonds d’investissement (le « Document de consultation »).[1] Nous nous soucions de savoir ce que les termes « fardeau réglementaire » signifient pour les investisseurs. Tout particulièrement, la réduction de la réglementation pourrait ne pas servir du tout les intérêts des investisseurs, ce qui devrait préoccuper tout organisme de réglementation chargé de protéger les intérêts des investisseurs en vertu des lois sur les valeurs mobilières.

 

FAIR Canada est un organisme sans but lucratif national de défense des investisseurs. En tant que voix nationale pour les investisseurs, FAIR Canada s’est engagée à promouvoir une meilleure protection pour les investisseurs en matière de réglementation des valeurs mobilières. Consultez le site faircanada.ca pour obtenir de plus amples renseignements.

1.Aperçu du Document de consultation

1.1 L’objet énoncé du Document de consultation est de « circonscrire et examiner les aspects de la législation en valeurs mobilières applicable aux émetteurs assujettis autres que des fonds d’investissement qui profiteraient d’une réduction de tout fardeau réglementaire indu, sans compromettre la protection des investisseurs ni l’efficience des marchés des capitaux ».[2] D’après les ACVM, la réglementation doit refléter le besoin des entreprises canadiennes de demeurer compétitives.

1.2 Le Document de consultation énonce cinq changements potentiels qui pourraient réduire le fardeau réglementaire des émetteurs assujettis, voire (1) l’élargissement de l’application de la réglementation simplifiée aux petits émetteurs assujettis; (2) la réduction du fardeau imposé par les règlements sur les prospectus et le processus de placement; (3) l’assouplissement des obligations d’information courante; (4) l’élimination du chevauchement d’obligations réglementaires; et (5) l’amélioration de la transmission électronique de documents.[3] Ces propositions ciblent l’allègement du fardeau réglementaire lié à la mobilisation de fonds sur les marchés publics, et les coûts permanents des exigences réglementaires continues, comme l’obligation d’information courante.

 

2.Que signifie « Réduire le fardeau réglementaire »?

2.1 Le Document de consultation ne définit pas clairement les buts précis qui seront atteints par les initiatives proposées. Tout particulièrement, que signifie « Réduire le fardeau réglementaire »? Le but consiste-t-il à accroître l’efficience pour les émetteurs (étant donné que le terme « efficience » apparaît dans le mandat des organismes de réglementation du secteur des valeurs mobilières)? À consolider l’information financière pour les investisseurs? À réduire les obligations d’information? Ce terme ambigu a besoin d’être clarifié.

2.2 Si l’efficience est le but, le type d’efficience doit être précisé. L’efficience peut être conçue de différentes façons, par exemple : l’efficience informationnelle, l’efficience d’allocation et l’« optimum de Pareto » ou « efficience de Kaldor-Hicks ».[4] L’efficience informationnelle est la capacité de la valeur marchande d’un titre à refléter toute l’information pertinente à son prix; cette valeur augmente donc avec l’accroissement des obligations d’information.[5] Parallèlement, l’efficience d’allocation, qui se rapporte à « l’efficacité avec laquelle un marché canalise les capitaux jusqu’à leur utilisation la plus élevée et la plus productive »[6] pourrait augmenter si les obligations d’information sont réduites.[7] L’« optimum de Pareto » tient compte d’autres facteurs, en déterminant notamment si une initiative particulière sera bénéfique aux citoyens sans avoir de conséquences néfastes pour d’autres.[8] Une variante de ce concept, l’efficience Kaldor-Hicks, détermine si les citoyens qui bénéficieront d’un changement particulier peuvent dédommager de façon adéquate ceux qui n’en bénéficieront pas.[9]

2.3 Pour déterminer si les initiatives réglementaires ont pour effet d’« améliorer » ou d’« empirer », leurs coûts et leurs avantages doivent être évalués. On ne saisit pas clairement si les initiatives proposées qui sont énoncées dans le Document de consultation auront une efficience de type optimum de Pareto ou de type Kaldor-Hicks. Bien qu’il ne soit pas toujours possible de prédire les coûts et les avantages d’une initiative proposée, les AVCM devraient essayer d’effectuer une analyse des coûts-avantages afin de déterminer si les initiatives proposées auraient pour effet d’« améliorer » ou d’« empirer » la situation des marchés des capitaux dans leur ensemble (c.-à-d. pas uniquement la communauté des émetteurs).

2.4 Ces différentes conceptions de l’efficience montrent que l’expression « réduire le fardeau réglementaire » est ambiguë. Même si le but est d’accroître l’efficience, cette expression a besoin d’être clarifiée.

2.5 La Commission des valeurs mobilières de l’Ontario (CVMO) a récemment fait part de préoccupations similaires à celles des ACVM à propos du « fardeau réglementaire ». Dans son plus récent énoncé des priorités, la CVMO a souligné que « l’interdépendance mondiale des marchés et les mouvements de capitaux créent un besoin important d’harmonisation et de coordination de la réglementation. Toutefois, le risque d’accroître le protectionnisme et la déréglementation pourrait entraver l’harmonisation mondiale et créer des occasions d’arbitrage réglementaire. Compte tenu de ces développements, la CVMO pourrait subir des pressions de certains intervenants pour qu’elle réduise certains aspects de la réglementation; il devient donc de plus en plus important pour la CVMO d’aborder les préoccupations que soulève le fardeau réglementaire. »[10] Non seulement cet énoncé est vague, mais il ne tient pas compte du fait que la réduction du fardeau réglementaire pourrait miner les intérêts des investisseurs et le propre mandat de la CVMO. De plus, l’énoncé indique que les organismes de réglementation pourraient ne pas se rendre compte que les efforts de déréglementation éventuels suivants déployés par les États-Unis peuvent (i) saper les réalisations accomplies pour améliorer notre cadre de réglementation à la suite de la crise financière mondiale; (ii) rendre le processus visant à déréglementer et à réglementer de nouveau éphémère et coûteux; et (iii) amenuiser la confiance de nos marchés des capitaux.[11]

2.6 Les ACVM ont lancé une initiative connexe visant à examiner le processus de communication de l’information des fonds d’investissement dans son initiative intitulée « Rationalization of Investment Fund Disclosure » (ou « Projet RID »). Le projet RID « examinera les obligations d’information en vigueur afin de relever celles qui pourraient être redondantes ou obsolètes et qui devraient être revues par les ACVM ».[12] Cet examen aura lieu en 2017, et la publication des modifications de règlements proposées est prévue pour la mi-2018. Alors que les ACVM entreprennent un examen des obligations d’information des fonds d’investissement, les préoccupations soulevées dans cette lettre de commentaires devraient également être pertinents. Lorsqu’elles proposent des modifications de quelque nature que ce soit, les ACVM devraient tenir compte de ces commentaires – et tout particulièrement du besoin de s’assurer que les investisseurs ne sont pas désavantagés par les réformes visant à réduire le fardeau réglementaire.

2.7 Nous tenons à faire remarquer que les ACVM ont déjà mis en œuvre des mesures pour réduire le fardeau des émetteurs assujettis dans le cadre de récentes initiatives de réforme. Tout particulièrement, elles ont établi de nouvelles dispenses de prospectus, modifié des dispenses existantes et adapté des obligations d’information afin d’alléger le fardeau réglementaire des émetteurs émergents.[13] Ces changements ont réduit le fardeau réglementaire imposé aux émetteurs assujettis. Avant de procéder à d’autres réformes, nous pensons que les organismes de réglementation devraient démontrer, en présentant la preuve empirique, que ces mesures et les mesures futures sont bénéfiques aux marchés des capitaux – ce qui inclut les investisseurs à titre d’intervenants dans ces marchés.

 

3. Pourquoi les petites entreprises seraient-elles soumises à une réglementation moins stricte?

3.1 Les défenseurs d’un assouplissement de la réglementation pensent qu’un fardeau réglementaire inutile pèse sur les petites entreprises, qui, sans économies d’échelle, supporteraient des coûts de réglementation proportionnellement plus élevés. Il est fréquent d’entendre dire qu’une diminution des obligations d’information permettrait aux petites entreprises de mobiliser plus de capitaux. Les données vérifiables sont cependant insuffisantes pour établir les avantages que représenterait cette réglementation dite « proportionnée ». En fait, une étude de 2016 sur les entreprises de la Bourse de croissance TSX tend à montrer que les arguments avancés en faveur de la réglementation proportionnée ne sont pas pertinents, étant donné le taux d’adoption volontaire de mécanismes de bonne gouvernance d’entreprise par les petites entreprises[14]. L’étude a conclu que même si les émetteurs émergents sont exonérés de l’obligation de recourir à des comités de vérification dotés d’un certain niveau de connaissances financières et indépendants[15], 88 pour cent des comités de vérification interrogés comptent une majorité de membres indépendants et 85 pour cent comptent une majorité de membres possédant de bonnes connaissances financières. Cette étude a ses limites : elle est fondée sur un nombre limité d’entreprises de l’échantillon et, généralement, l’information donnée par les entreprises de la Bourse de croissance est moins détaillée que celle donnée par les entreprises du TSX[16]. De plus, si les entreprises décident de se conformer à la réglementation parce qu’elles considèrent que la conformité leur sera bénéfique, cela ne renseigne en rien sur le degré de protection des investisseurs : rien ne garantit que les entreprises continueront de se conformer volontairement à la réglementation.

3.2 Il ne serait pas adéquat de mettre en place une distinction fondée sur la taille au Canada, comme c’est le cas aux États-Unis. Le marché canadien est très différent du marché américain, principalement en nombre de petites et moyennes entreprises qui entrent en bourse et restent cotées. Introduire une distinction fondée sur la taille aurait des conséquences globales négatives sur les marchés de capitaux canadiens, risquant d’encourager des pratiques de réduction délibérée de la taille, des actifs ou de la capitalisation des entreprises, aux dépens de l’entreprise et de ses actionnaires.

3.3 Le service d’analyse de l’économie et des risques (Division of Economic and Risk Analysis) de la SEC (autorité de réglementation des marchés financiers des États-Unis) a mené une enquête sur la proposition d’élargissement de la définition de « smaller reporting company » (petite entreprise assujettie)[17]. Cette enquête a conclu que des obligations d’information proportionnées à la taille auraient probablement une incidence négative sur l’actionnariat institutionnel[18]. Proportionner les obligations d’information à la taille des entreprises pourrait rendre les plus petites d’entre elles moins attrayantes aux yeux des investisseurs institutionnels sophistiqués qui fondent leurs décisions de placement sur des données. La demande pourrait donc être moindre à l’égard des petites entreprises.

 

4. Les obligations d’information actuelles ne doivent pas être diminuées

4.1 Aujourd’hui, les émetteurs émergents doivent présenter des états financiers et une analyse de ceux-ci portant sur seulement deux années dans leur prospectus d’entrée en bourse en qualité d’émetteur émergent. Il serait inadéquat d’étendre ce critère d’admissibilité de deux années aux émetteurs qui ont l’intention de devenir des émetteurs non émergents. Même pour les petites entreprises dont les revenus avant une entrée en bourse sont inférieurs à un certain seuil, les données que constitue l’information compilée sur plusieurs années sont nécessaires et fondamentales pour donner une image juste et précise de l’entreprise. Rien ne devrait faire obstacle à une meilleure compréhension, par les investisseurs, de leurs possibilités de placement.

4.2 L’information est un mécanisme essentiel qui permet de responsabiliser les émetteurs et d’informer convenablement toutes les parties. Par conséquent, nous nous opposons à l’assouplissement des obligations d’information mentionné dans la partie 2.3 du document de consultation. L’assouplissement des obligations d’information irait à l’encontre des intérêts des investisseurs et pourrait amener les sociétés les plus en vue à échapper à la surveillance réglementaire. Les Autorités canadiennes en valeurs mobilières (ACVM) ont trois objectifs en matière de réglementation des marchés financiers : la protection des investisseurs, le maintien de marchés équitables, efficients et transparents, et la réduction du risque systémique[19]. L’obligation d’information permet aux investisseurs d’avoir accès à l’information nécessaire sur leurs placements, et les exigences de transparence permettent d’éviter que de l’information financière inexacte circule. L’obligation d’information est au cœur de l’obligation de rendre des comptes au public.

4.3 Les ACVM ne devraient pas non plus modifier la fréquence de leur production de rapports (d’une fréquence trimestrielle à une fréquence semestrielle). Elles avaient déjà envisagé une production de rapports semestrielle, avant de l’abandonner rapidement[20]. L’établissement de rapports trimestriels confère plus de transparence sur les émetteurs assujettis et les éventuels changements apportés à leur fonctionnement. Les tenants de la production de rapports semestriels disent que cela supprimerait l’« hystérie liée aux résultats trimestriels » et permettrait aux sociétés de se concentrer sur la création de valeur à long terme[21]. Ces arguments omettent le fait que certains investisseurs ont un horizon de placement à court terme et des besoins d’information en conséquence. L’information semestrielle peut suffire à certains investisseurs, mais pas à tous. Elle peut même en désavantager. L’existence de rapports trimestriels permet de mieux protéger les intérêts des investisseurs en répondant aux besoins d’information d’une large gamme de types d’investisseurs.

4.4 En bref, les exigences actuelles en matière de réglementation et d’information jouent un rôle important dans l’information en bonne et due forme des acteurs du marché. Nous ne sommes pas favorables, de manière générale, à un assouplissement de la réglementation; cependant, la consolidation de l’information financière qui figure dans le rapport de gestion, les états financiers et la notice annuelle constitue une recommandation utile qui va dans le sens des intérêts des investisseurs. Cette consolidation nous semble pertinente uniquement si elle permet de supprimer ou de réduire les exigences d’information redondantes. Elle serait profitable aux émetteurs, en permettant de diminuer la production de documents redondants tout en donnant aux investisseurs le même degré d’information. Il serait à la fois raisonnable et bénéfique de modifier le rapport de gestion et la notice annuelle, qui portent tous deux sur les risques liés à l’émetteur assujetti.

4.5 De plus, améliorer l’efficacité de l’obligation d’information existante en rendant l’information obligatoire plus visible pourrait également être favorable aux investisseurs (par exemple, en demandant aux émetteurs de déterminer d’avance leurs trois, quatre ou cinq risques principaux, et en divulguant tous les risques importants). Généralement, les investisseurs particuliers ne peuvent pas consulter efficacement les documents techniques et complexes[22]. De plus, les Canadiens les moins fortunés sont ceux qui possèdent généralement le moins de connaissances financières[23]. Plutôt que de réduire la quantité d’information communiquée aux investisseurs, les autorités de réglementation devraient privilégier l’amélioration de la qualité et de l’accessibilité de ces documents pour que tous les Canadiens parviennent à les consulter. Sinon, les investisseurs les plus vulnérables sont les plus à risque.

 

Mise en ligne

 

4.6 Nous ne pensons pas qu’il soit judicieux de répondre aux obligations d’information en mettant les documents en ligne sans préavis ni consentement préalable. Pour le moment, FAIR Canada ne pense pas que ce mode d’accès à l’information assure une égalité d’information. Si un avis électronique est envoyé aux investisseurs, un lien spécifique vers les documents pertinents doit être indiqué, car rendre un document accessible sur SEDAR ne suffit pas. Les investisseurs auront du mal à trouver les documents requis sur SEDAR, et en économie comportementale, on sait que moins d’investisseurs iront consulter un document qui ne leur est pas directement transmis (en mains propres ou par voie électronique, en PDF ou par un lien)[24].

 

4.7 Plus généralement, en réponse à la question 33 de la consultation, FAIR Canada est d’avis que certains documents réglementaires qu’il est obligatoire de communiquer, tels que les aperçus de fonds et les sommaires des plans de bourses d’études, sont difficiles à trouver sur les sites Web des émetteurs de fonds ou des plans de bourses d’études. Imposer l’emplacement de ces documents sur le site Web du prestataire permettrait d’améliorer la protection des investisseurs.

 

4.8 Le document d’aperçu de fonds peut être mis à la disposition de l’investisseur par un lien vers une page qui contient de nombreux documents sur les fonds de l’émetteur; il peut être extrêmement difficile, pour un investisseur particulier, de localiser les documents d’aperçu de fonds qui correspondent à un achat projeté ou effectué. Par conséquent, l’efficacité de l’information (électronique ou autre) peut être renforcée par l’ajout plutôt que par la diminution d’exigences supplémentaires.

 

5. Une étude plus empirique est nécessaire

5.1 Les ACVM reconnaissent que la protection des investisseurs ne doit pas être hypothéquée par la mise en œuvre des changements proposés dans le document de consultation[25]. Nous sommes donc favorables à une étude plus approfondie des conséquences sur les investisseurs de toute déréglementation proposée. Tel qu’indiqué, il existe peu de travaux empiriques sur le sujet. Il faudrait mener davantage de recherches pour déterminer si les initiatives proposées auraient des répercussions sur les acteurs du marché, notamment les investisseurs.

 

5.2 Aux États-Unis, une action similaire visant à diminuer le fardeau que fait peser la réglementation a été lancée au titre de l’initiative de la SEC sur l’efficacité de l’information (Disclosure Effectiveness Initiative)[26]. L’Office of the Investor Advocate (OIA), qui défend les intérêts des investisseurs, a fait valoir que de nombreux changements proposés « semblent opposer les besoins d’information des investisseurs aux coûts et au fardeau que la communication de cette information représente pour les entreprises. »[27] L’OIA a insisté sur l’importance d’assurer la protection des investisseurs en cas d’assouplissement de la réglementation[28]. Il a ajouté que, concernant la déréglementation aux États-Unis, le Congrès devrait [traduction] « résister à la tentation de demander à la SEC d’adopter des réformes si les éléments dont on dispose ne sont pas suffisamment probants. »[29]

 

5.3 De la même façon, au Canada, tant qu’une étude plus approfondie n’aura pas été menée sur les conséquences de la déréglementation sur les investisseurs, les ACVM ne devraient pas donner suite aux initiatives proposées. La transparence et la responsabilisation sont dans l’intérêt des investisseurs. Il serait contraire à la logique de partir du principe que les investisseurs ne pâtiront pas d’un degré réduit d’information. Dans une allocation du 9 novembre 2016, le défenseur des investisseurs Rick Fleming a indiqué que dans l’initiative sur l’efficacité de l’information de la SEC (Disclosure Effectiveness initiative), [traduction] « la Commission doit se concentrer avant tout sur la nécessité de répondre aux besoins des investisseurs en matière d’information. »[30] Nous pensons qu’en l’espèce, ce doit aussi être le cas.

 

6. Conclusion

6.1 L’objet même de la réglementation des valeurs mobilières est de veiller sur la protection des investisseurs et l’efficience des marchés. Assouplir les règlements de la manière proposée pourrait aller à l’encontre de ces objectifs. Tel qu’indiqué dans le Document de consultation, le fardeau de la conformité doit être mis en regard des « importants objectifs réglementaires visés et des avantages que les investisseurs et autres parties prenantes tirent de ces obligations »[31]. Avant que les ACVM donnent suite à des initiatives de révision du fardeau réglementaire, il est nécessaire d’établir la preuve vérifiable que les investisseurs n’en subiront pas les conséquences. Pour le moment, le Document de consultation est équivoque sur la question de savoir si les réformes proposées visant à alléger le fardeau réglementaire auront des répercussions négatives sur la protection des investisseurs.

 

Nous vous remercions de nous avoir donné la possibilité de formuler, par la présente, nos commentaires et nos points de vue. Nous acceptons que ce document soit rendu public, et nous serions heureux d’en discuter avec vous à votre convenance. Vous pouvez communiquer avec Anita Anand à anita.anand@utoronto.ca ou Marian Passmore à 416-214-3441/marian.passsmore@faircanada.ca.

 

Salutations,

 

 

Anita Anand pour FAIR Canada

 

[1] Document de consultation 51-404 des ACVM – Considérations relatives à la réduction du fardeau réglementaire des émetteurs assujettis qui ne sont pas des fonds d’investissement (6 avril 2017) [le « Document de consultation »].

[2] Ibid., page 2.

[3] Ibid., page 3.

[4] Anita Anand, « Towards Effective Balance Between Investors and Issuers in Securities Regulation », Canada Steps Up (2006), p. 18 [Anand].

[5] Ibid., page 29. Voir également Eugene Fama, « Random Walks in Stock Market Prices », (1995), Financial Analysts Journal, vol. 51 75. D’après Eugene Fama, « dans un marché efficient, le prix observé constitue en tout temps une bonne estimation de sa valeur intrinsèque ». Selon cette conception, certaines mesures discutées dans le Document de consultation, réduisent spécifiquement les obligations d’information et réduiraient l’efficience informationnelle.

[6] Anand, supra notes 4 à 31.

[7] En général, la législation réduit la capacité du marché à allouer les capitaux à faible coût. L’efficience d’allocation va dans le sens des intérêts des investisseurs, car ces derniers reçoivent des rendements plus élevés « à l’échelle du marché » lorsque l’allocation efficiente des capitaux fonctionne correctement. Voir Anand, supra notes 4 à 31. D’après Wallison et Smith, en réduisant les obstacles aux mouvements des capitaux, l’efficience d’allocation favorise la croissance économique du pays. Voir Peter Wallison & Cameron Smith, « The Responsibility of the Securities and Exchange Commission for Efficiency, Competition and Capital Formation: Reforms for the First 1000 Days » (Document présenté à la Table ronde des services financiers, octobre 2005) [non publié].

[8] Anand, supra notes 4 à 32.

[9] Michael Trebilcock, « The Limits of Freedom of Contract » (Cambridge: Harvard University Press, 1993).

[10] Avis 11-777 de la CVMO – Avis concernant l’Énoncé des priorités pour l’exercice financier se terminant le 31 mars 2018 (29 juin 2017).

[11] Voir par exemple Ben Protess et Julie Hirschfeld Davis, « Trump moves to Roll Back Obama-Era Financial Regulations », New York Times (3 février 2017), en ligne : <https://www.nytimes.com/2017/02/03/business/dealbook/trump-congress-financial-regulations.html>. De nombreux règlements que l’administration Trump envisage de modifier ou de supprimer visent explicitement à protéger les investisseurs et à encourager la stabilité à long terme des marchés des capitaux. Si les organismes de réglementation comme la CVMO suivent aveuglément le processus de déréglementation américain, ils supprimeront en grande partie des règlements explicitement conçus pour protéger les investisseurs. De plus, ces règlements ne font pas large consensus biparti, ce qui signifie que le processus visant à réglementer de nouveau devrait avoir lieu lorsqu’un changement se produit en matière de leadership. Lorsqu’il s’agit de protéger les investisseurs et d’assurer la stabilité des marchés des capitaux, les organismes canadiens de réglementation des valeurs devraient être des chefs de file, et non pas des suiveurs.

[12] Bulletin de la CVMO numéro 40/26 (29 juin 2017).

[13] Avis 45-314 du personnel des ACVM 45-314 – La liste mise à jour des projets actuels des ACVM relatifs au marché dispensé (28 janvier 2016) résume les initiatives de dispense de prospectus et les modifications entreprises de 2014 à 2016, y compris la dispense de prospectus pour les porteurs existants de titres, les dispenses de prospectus avec émission de droit, la dispense pour placement par l’intermédiaire d’un courtier en placement, la dispense relative au financement participatif, la dispense relative à la notice d’offre, la dispense de prospectus pour les amis, les parents et les partenaires (Ontario); l’Avis de modification des ACVM du règlement NI 51-102 sur les obligations d’information continue, du règlement NI 41-101 sur les obligations générales relatives au prospectus et du règlement NI 52-110 sur le comité d’audit (9 avril 2015), décrit les modifications apportées au cours de l’année 2015 pour se concentrer sur la communication de l’information par les émetteurs émergents. Cette liste comprend la mise en œuvre de l’option de fournir de l’information trimestrielle, l’utilisation d’un nouveau formulaire adapté pour la déclaration de la rémunération des membres de la haute direction et une réduction à deux du nombre d’exercices pour lesquels les émetteurs émergents doivent présenter des états financiers dans le cadre d’un PAPE (premier appel public à l’épargne).

[14] Anita I. Anand, Wayne Charles et Lynnette D. Purda, « Voluntary Corporate Governance, Proportionate Regulation and Small Firms: Evidence from Venture Issuers », (décembre 2016). À paraître en décembre 2017 dans Canadian Business Law Journal, en ligne : <https://ssrn.com/abstract=2938690> [Anand, Charles et Purda].

[15] Comités de vérification, Commission des valeurs mobilières de l’Ontario, règlement 52-110, 27 OSCB 3252 (26 mars 2004).

[16] Anand, Charles et Purda, supra note 14 à 22.

[17] Dans le cadre de l’initiative de la SEC sur l’efficacité de l’information (Disclosure Effectiveness Initiative), le 27 juin 2016, la SEC a proposé de redéfinir le terme « smaller reporting company » (petite entreprise assujettie) du point 10(f) du règlement S-K ainsi que d’autres règlements de la Commission afin d’élargir le nombre d’entreprises immatriculées répondant à cette définition. Voir le document Amendments to Smaller Reporting Company Definition, publication n° 33-10107 (27 juin 2016), en ligne : <https://www.sec.gov/rules/proposed/2016/33-10107.pdf>; l’initiative de la SEC sur l’efficacité de l’information (Disclosure Effectiveness Initiative) était une exigence de la Fixing America’s Surface Transportation Act (la « FAST Act »), adoptée en décembre 2015. L’article 72002 de la FAST Act ordonnait à la SEC de [traduction] : « réduire davantage ou supprimer les exigences… afin de diminuer le fardeau pesant sur les sociétés de croissance émergentes, les déclarants se prévalant du régime de déclaration accéléré, les petites sociétés assujetties et les petits émetteurs, tout en continuant de communiquer toute l’information importante aux investisseurs. »

[18] Securities Act, publication n° 10107, 81 Fed. Régl. 43130 (1er juillet 2016) à 43144, en ligne : <https://www.gpo.gov/fdsys/pkg/FR-2016-07-01/pdf/2016-15674.pdf>.

[19] Autorités canadiennes en valeurs mobilières, « Notre mission », (2009), en ligne : <https://www.autorites-valeurs-mobilieres.ca/presentation_des_ACVM.aspx?id=78>.

[20] L’adoption d’une production de rapports semestriels a été proposée dans le projet de règlement 51-103, mais les ACVM ont préféré ne pas la valider étant donné les nombreuses préoccupations que la proposition a soulevées.

[21] Paul Amirault, Thierry Dorval et al, « Il est temps de mettre un terme à l’information trimestrielle » (avril 2017), Norton Rose Fullbright, en ligne <http://www.nortonrosefulbright.com/files/ca-il-est-temps-de-mettre-un-terme-a-linformation-trimestrielle-154704.pdf>.

[22] Canada, Groupe de travail pour la modernisation de la réglementation des valeurs mobilières au Canada, Canada Step Up, vol. 1 (Toronto : octobre 2006), p. 56.

[23] Innovation Research Group, Inc. « Indice ACVM des investisseurs 2012 », (16 octobre 2012), Autorités canadiennes en valeurs mobilières, en ligne : <www.securities-administrators.ca/uploadedFiles/General/pdfs/2012%20CSA%20Investor%20Index%20-%20Public%20Report%20FINAL_FR.pdf>.

[24] Fondation canadienne pour l’avancement des droits des investisseurs, « Re: CSA Notice and Request for Comments regarding Proposed Streamlined Prospectus Exemption for Rights Offering (the “Notice”)” (25 février 2015), FAIR Canada, en ligne : <faircanada.ca/wp-content/uploads/2011/01/150225-final-FAIR-Canada-Comments-re-Rights-offerings.pdf> p. 5.

[25] Document de consultation, supra, notes 1 et 2.

[26] Après une étude sur les obligations d’information au titre du règlement S-K exigée en vertu de la JOBS Act, la SEC a lancé une initiative d’efficacité de l’information (Disclosure Effectiveness initiative) visant à revoir et à moderniser les obligations d’information des sociétés cotées, notamment concernant le règlement S-K (qui précise les obligations des sociétés cotées en matière de dépôt de documentation officielle auprès de la SEC) et le règlement S-X (qui précise les exigences de présentation et de contenu des états financiers). Cette initiative, en cours, examine la question de savoir si [traduction] : « les obligations d’information en vigueur devraient être modifiées ou supprimées, s’il était souhaitable d’en établir de nouvelles et si l’information pouvait être présentée et fournie plus efficacement. » Voir le document de la SEC, Report on Modernization and Simplification of Regulation S-K (23 novembre 2016) p. 1, en ligne : SEC <https://www.sec.gov/files/sec-fast-act-report-2016.pdf >.

[27] Office of the Investor Advocate, Report on Activities Fiscal Year 2016, p. 11, en ligne : <https://www.sec.gov/advocate/reportspubs/annual-reports/sec-investor-advocate-report-on-activities-2016.pdf>.

[28] Office of the Investor Advocate, Report on Objectives Fiscal Year 2018 (21 avril 2017), p. 7, en ligne : <https://www.sec.gov/advocate/reportspubs/annual-reports/sec-office-investor-advocate-report-on-objectives-fy2017.pdf>.

[29] Ibid., p. 2.

[30] Rick A. Fleming, défenseur des investisseurs auprès de la SEC, allocution donnée à l’occasion d’une formation dispensée à la NASAA, Corporation Finance : « Moving Forward with the Commission’s Disclosure Effectiveness Initiative » (19 novembre 2016), en ligne : <https://www.sec.gov/news/speech/moving-forward-with-the-disclosure-effectiveness-initiative.html#_edn3>.

[31] Document de consultation, supra, notes 1 et 2.