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31 août 2015

 

Doug Harris
Vice-président et avocat général
Organisme canadien de réglementation du commerce des valeurs mobilières
121, rue King Ouest, bureau 2000
Toronto (Ontario)
M5H 3T9

Monsieur Harris,

OBJET :            Avis de l’OCRCVM 15-0145 – Appel à commentaires sur les priorités stratégiques

FAIR Canada a le plaisir de fournir la présente réponse à l’appel à commentaires de l’Organisme canadien de réglementation du commerce des valeurs mobilières (OCRCVM) afin de contribuer au processus de planification stratégique de celui-ci.

FAIR Canada est un organisme sans but lucratif national et un organisme de bienfaisance enregistré dévoué à la protection des investisseurs. En tant que voix pour les investisseurs particuliers, FAIR Canada s’est engagé à promouvoir une meilleure protection pour les investisseurs en matière de réglementation des valeurs mobilières. Consultez le site faircanada.ca pour obtenir de plus amples renseignements.

Nous constatons que le processus de planification stratégique de l’OCRCVM semble être déjà bien engagé. Le présent appel à commentaires a été émis à la suite de la publication de l’avis 15-0094 de l’OCRCVM, qui résumait plusieurs activités et initiatives sur lesquelles l’OCRCVM envisage de se concentrer durant l’exercice 2015-2016 à l’appui de sept objectifs stratégiques. Ces objectifs stratégiques semblent avoir été établis en fonction des réponses au sondage fournies par les membres de l’OCRCVM. Ils ont été formulés comme suit :

  • Promouvoir une culture de conformité
  • Protéger et éduquer le public investisseur
  • Établir une réglementation efficace et spécialisée
  • Renforcer l’équité, l’intégrité, l’efficacité et la capacité concurrentielle des marchés financiers canadiens
  • Agir de façon responsable, transparente et équitable
  • Être un organisme économique et efficace
  • Être un employeur de choix

Nous remarquons également que le présent appel à commentaires se limite à trois questions précises, soit :

  1. Quelles sont les tendances importantes observées dans le milieu de l’investissement et de la réglementation qui auront des répercussions sur l’OCRCVM et sur son mandat d’intérêt public?
  1. En quoi consiste la valeur créée par l’OCRCVM et quels avantages offre-t-il?
  1. De quelle façon le rôle de l’OCRCVM devrait-il évoluer au fil du temps?

Contexte de réponse

FAIR Canada croit que ces questions, ou toutes autres questions liées aux priorités stratégiques de l’OCRCVM, devraient être examinées du point de vue du mandat de l’OCRCVM tel qu’il a été établi dans les ordonnances de reconnaissance[1] :

Dans l’intérêt du public, l’OCRCVM doit réglementer afin de protéger les investisseurs et l’intégrité du marché. Il doit définir de façon claire son mandat consistant à servir l’intérêt public, et s’assurer que ses fonctions de réglementation y sont conformes.

Compte tenu de ces modalités, les priorités stratégiques de l’OCRCVM doivent être axées sur la protection des investisseurs et de l’intégrité du marché.

Cet objectif doit demeurer la priorité absolue de l’OCRCVM. Il doit être au centre de chaque aspect des activités et des opérations de l’OCRCVM. Autrement dit, l’OCRCVM devrait tout considérer du point de vue de la protection des investisseurs et de l’intégrité du marché, et sa compétence devrait être évaluée en fonction de la mesure dans laquelle il arrive à les protéger[2].

En outre, cet objectif ne devrait pas être considéré uniquement de façon contemplative ou comme un idéal à atteindre; il devrait être axé sur l’action. L’OCRCVM devrait insister sur le fait que ses membres courtiers et les conseillers qu’ils emploient doivent faire preuve d’intégrité et être axés sur la protection des investisseurs dans tous les aspects de leurs activités, et cela s’applique plus particulièrement à ceux qui traitent directement avec les clients.

Question 1 : Quelles sont les principales tendances ayant des répercussions sur le mandat de l’OCRCVM qui consiste à protéger l’intérêt public?

Étant donné que la disponibilité des régimes de retraite collectifs diminue partout au Canada et que les taux de rendement des produits d’épargne demeurent pratiquement nuls, de plus en plus de personnes possédant peu de connaissances financières sont contraintes à se tourner vers les marchés des valeurs mobilières qui ne leur sont pas familiers. Ces marchés regorgent de produits divers dont bon nombre sont complexes et difficiles à saisir. Les risques et les coûts qu’ils représentent ne sont pas toujours évidents, et de nombreux investisseurs, pour ne pas dire la majorité d’entre eux, ont de la difficulté à comprendre les choix qui s’offrent à eux.

Les décisions rendues récemment par les organismes canadiens de réglementation des valeurs mobilières visant à étendre considérablement le marché dispensé ne feront qu’exacerber ce problème. De plus, il n’aide en rien que les risques associés à un produit continuent souvent d’être divulgués dans un langage que les investisseurs moyens ne comprennent pas ou dans des formats que ceux-ci trouvent tout simplement trop intimidants.

Par conséquent, malgré la popularité des services d’exécution d’ordres sans conseils auprès des investisseurs relativement aguerris, la plupart des investisseurs particuliers ont besoin de conseils quant à la façon d’investir, aux produits de placement adaptés et aux risques connexes. La plupart des investisseurs continuent à dépendre fortement de leurs conseillers en placements et demeurent extrêmement vulnérables aux manœuvres de persuasion de ceux-ci.

Les efforts visant à hausser le niveau général de littératie financière chez les Canadiens pourraient contribuer à atténuer légèrement cette vulnérabilité, mais étant donné le niveau actuel très bas de littératie financière et l’asymétrie importante de l’information et des connaissances entre les conseillers et leurs clients, il n’est pas réaliste de s’attendre à ce que la tendance à la dépendance et à la vulnérabilité disparaisse de sitôt.

FAIR Canada croit plutôt que de réels progrès à l’égard de la protection des investisseurs ne pourront être réalisés qu’en haussant les normes afin que les membres courtiers de l’OCRCVM et les conseillers qu’ils emploient, qui ne sont actuellement que des intervenants dans l’industrie des placements, deviennent des professionnels des placements. Cependant, pour y arriver, la seule amélioration des compétences ne suffira pas. Sur le plan fondamental, une culture de professionnalisme et d’intégrité doit être fermement établie, tant du côté des membres courtiers que de celui des organismes de réglementation, y compris l’OCRCVM.

Par conséquent, la tendance clé est celle-ci : les besoins en matière de conseils en placement – de même qu’en matière de protection des investisseurs – augmentent plutôt que de diminuer. L’OCRCVM devrait reconnaître explicitement cette tendance et sa planification stratégique devrait en tenir compte. Qui plus est, à partir de maintenant, les actes de l’OCRCVM doivent être fonction de cette tendance.

Question 2 : En quoi consiste la valeur créée par l’OCRCVM et quels avantages offre-t-il?

Comme il a été mentionné précédemment, FAIR Canada croit que les priorités stratégiques de l’OCRCVM devraient être considérées du point de vue de son mandat, lequel consiste à protéger les investisseurs et l’intégrité du marché. Nous ne croyons pas qu’il incombe à l’OCRCVM de faire davantage.

Une « proposition de valeur » peut s’avérer essentielle si l’objectif est d’accroître la satisfaction de la clientèle, mais FAIR Canada est d’avis que cet objectif n’est pas compatible avec le rôle et les responsabilités de l’OCRCVM en tant qu’organisme de réglementation. Par conséquent, nous estimons que cette question n’est aucunement utile à l’exercice de définition des priorités stratégiques de l’OCRCVM, et y répondre ne ferait que brouiller les pistes.

Question 3 : De quelle façon le rôle de l’OCRCVM devrait-il évoluer au fil du temps?

FAIR Canada ne croit pas qu’il soit nécessaire que le rôle de l’OCRCVM évolue. Nous croyons plutôt que l’OCRCVM devrait s’imprégner davantage de son rôle actuel.

Il devrait par exemple s’appliquer plus concrètement à établir des normes professionnelles appropriées. En termes simples, l’OCRCVM pourra mieux protéger les investisseurs en exigeant que ses membres courtiers et les conseillers qu’ils emploient agissent dans l’intérêt supérieur de leurs clients, et ce, en tout temps. Par conséquent, FAIR Canada croit que l’OCRCVM ne devrait pas demeurer en marge du débat sur l’obligation fiduciaire. Les priorités stratégiques de l’OCRCVM devraient comprendre la démonstration d’un appui clair envers l’établissement d’une norme réglementaire sur l’intérêt supérieur et l’adoption de règles obligeant tous les membres courtiers et les conseillers à se conformer à une telle norme[3].

Pour démontrer un certain leadership dans ce domaine, l’OCRCVM doit également insister sur l’intégrité comme condition d’adhésion. Cela nécessitera de réévaluer l’acceptabilité de certaines pratiques et de certains modèles d’affaires, plus particulièrement ceux qui favorisent la gestion des conflits d’intérêts plutôt que l’absence totale de tels conflits. Il faudra également réévaluer les limites de tolérance quant à l’inconduite; c’est-à-dire déterminer quels types de violation peuvent être traités au moyen d’avertissements, d’amendes et de suspension, et quels types doivent être traités comme un manque flagrant d’intégrité incompatible avec la profession et les critères d’adhésion de l’OCRCVM.

Le fait d’insister sur l’intégrité obligera également l’OCRCVM à tenir les membres courtiers davantage responsables de l’inconduite des conseillers sous leur supervision. De plus, l’OCRCVM devra obliger les membres courtiers à améliorer leurs pratiques dans tous les domaines pouvant présenter des risques pour les clients. Ces risques peuvent notamment comprendre ce qui suit :

l’utilisation de titres trompeurs[4] et la possibilité, pour les conseillers, de mener des activités commerciales extérieures[5].

L’OCRCVM devra lui-même améliorer certaines de ses pratiques et procédures pour pouvoir ensuite mettre l’accent sur l’intégrité. Par exemple, tel qu’il a été mentionné dans le rapport d’inspection publié par les Autorités canadiennes en valeurs mobilières en décembre 2014[6], l’OCRCVM a démontré, lors de l’examen touchant la conformité de la conduite des affaires, qu’il manquait de procédures, ou à tout le moins de procédures adéquates, pour faire ce qui suit :

  • sélectionner les comptes de clients ayant une forte concentration dans des émetteurs ou des secteurs en particulier afin d’évaluer la convenance au client;
  • repérer les conseillers qui recommandent des produits à risque élevé à leurs clients;
  • confirmer le statut d’investisseur qualifié pour les placements de produits dispensés hors du module de financement d’entreprise.

FAIR Canada est d’avis que l’OCRCVM peut mieux accomplir son rôle de protecteur des investisseurs en veillant à ce que son conseil d’administration comprenne au moins un directeur du secteur public possédant une vaste expérience et connaissant suffisamment les préoccupations des investisseurs particuliers pour pouvoir les expliquer clairement lors des discussions du conseil. De plus, FAIR Canada recommande à l’OCRCVM de mettre sur pied un comité consultatif indépendant d’investisseurs, semblable à celui mis sur pied par la Commission des valeurs mobilières de l’Ontario, qui aurait pour but de renseigner les membres du conseil d’administration de l’OCRCVM sur les besoins et les attentes des investisseurs particuliers et d’aider le conseil d’administration et le personnel de l’OCRCVM à rédiger les politiques qui pourraient avoir des répercussions sur les investisseurs particuliers.

Nous vous remercions de nous avoir donné la possibilité de formuler, par la présente, nos commentaires et nos points de vue. Nous acceptons que ce document soit rendu public, et nous serions heureux d’en discuter avec vous à votre convenance. Si vous avez d’autres questions, veuillez communiquer avec Neil Gross à l’adresse neil.gross@faircanada.ca ou avec Marian Passmore à l’adresse marian.passmore@faircanada.ca.

Veuillez agréer l’expression de nos sentiments distingués.

Fondation canadienne pour l’avancement des droits des investisseurs

 

[1] Voir, par exemple, l’ordonnance de reconnaissance de la Commission des valeurs mobilières de l’Ontario pour l’OCRCVM, modifiée le 28 mai 2010, appendice A, annexe 1, Critères de reconnaissances, sous-section 2.

 

[2] Il est à noter que l’ordonnance de reconnaissance ne donne pas à l’OCRCVM le mandat de promouvoir ou de protéger les intérêts de ses membres courtiers, mais bien de promouvoir, de façon générale, des principes commerciaux justes et équitables et de favoriser des normes et des pratiques commerciales justes, équitables et éthiques. Promouvoir ou protéger les intérêts privés des membres courtiers serait très certainement contraire au devoir de l’OCRCVM envers l’intérêt public.

 

[3] Des règles à cet effet s’inscriraient dans le cadre des modalités de l’ordonnance de reconnaissance de l’OCRCVM (voir ibid. sous-section 9a.(F) : « L’OCRCVM doit établir et maintenir des règles qui… promeuvent la protection des investisseurs ». Voir également la sous-section (C) : « promouvoir… l’obligation d’agir de façon équitable, honnête et de bonne foi »“ et la sous-section (E) : « favoriser des normes et des pratiques commerciales justes, équitables et éthiques. »

[4] Il ne suffit pas d’interdire uniquement les titres qui induisent en erreur quant à l’enregistrement, aux compétences ou aux qualifications. Les titres qui induisent en erreur quant au pouvoir exécutif, au rang ou au niveau de responsabilité au sein de la structure du membre courtier peuvent davantage susciter la confiance et rendre les clients moins réceptifs à d’éventuels signes d’inconduite.

 

[5] L’OCRCVM doit examiner d’un œil critique la capacité des membres courtiers à gérer adéquatement les conflits d’intérêts réels ou potentiels découlant de ces activités, ainsi que les risques que leurs clients soient induits en erreur quant à leur responsabilité. Il ne suffit pas de seulement examiner les politiques, procédures et autres documents des membres. Un examen plus approfondi de leurs pratiques réelles doit être réalisé.

 

[6] Rapport d’inspection de l’Organisme canadien de réglementation du commerce des valeurs mobilières, 4 décembre 2014, page 25.