FAIR Canada a fourni des commentaires en réponse à la consultation de l’ACFM sur les lignes directrices sur les sanctions proposées par l’ACFM. FAIR Canada estime que les lignes directrices sur les sanctions devraient être rédigées de manière à s’appliquer de manière inclusive aux membres et aux personnes inscrites, étant donné que l’inconduite peut impliquer à la fois les sociétés concessionnaires et les particuliers. FAIR Canada demande également que les attentes du public soient prises en compte pour déterminer les sanctions appropriées.


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Le 25 juillet 2018

Paige Ward
Avocate générale, secrétaire générale et vice-présidente, Politiques
Association canadienne des courtiers de fonds mutuels
121, rue King Ouest, bureau 1000
Toronto (ON) M5H 3T9

Lettre envoyée par courriel à l’adresse : pward@mfda.ca

OBJET : Appel à commentaires concernant les lignes directrices proposées sur les sanctions de l’Association canadienne des courtiers de fonds mutuels (ACFM)

FAIR Canada est heureuse d’offrir ses commentaires en réponse aux propositions faites par l’ACFM en mai 2018 concernant les lignes directrices sur les sanctions (les « lignes directrices sur les sanctions »), telles qu’elles ont été présentées dans le Bulletin no 0749 – P du 23 mai 2018.

FAIR Canada est un organisme sans but lucratif national de défense des épargnants. En tant que voix nationale pour les investisseurs, FAIR Canada s’est engagée à promouvoir une meilleure protection pour les investisseurs en matière de réglementation des valeurs mobilières. Consultez le site faircanada.ca pour obtenir de plus amples renseignements.

1. Commentaires généraux

1.1. Les lignes directrices sur les sanctions devraient être formulées de façon à s’appliquer inclusivement tant aux membres qu’aux courtiers attitrés. Une inconduite peut être commise par une société de courtage ou par un particulier; or, bien souvent, la formulation n’inclut pas les membres.

Facteur clé 1 – Dissuasion générale et particulière – besoin de refléter les attentes du public

1.2. La détermination d’une sanction donnée doit nécessairement se fonder sur i) le but de la réglementation des valeurs mobilières – protéger les investisseurs contre les pratiques déloyales, irrégulières ou frauduleuses et favoriser des marchés financiers justes et efficaces et la confiance en ceux‑ci; ii) le fait que la sanction vise à protéger et à prévenir, plutôt qu’à punir, et qu’elle soit appliquée en vue d’empêcher un préjudice probable[1]. Les attentes du public sont donc un facteur important pour la détermination de la sanction appropriée, car une sanction trop clémente n’inspirerait pas confiance dans nos marchés boursiers et ne serait pas perçue comme un moyen de dissuasion (particulière ou générale) adéquat. Par conséquent, FAIR Canada recommande de modifier un énoncé crucial dans les lignes directrices, comme suit :

« Pour atteindre la dissuasion générale, il faut que les sanctions établissent un juste équilibre entre la conduite fautive particulière reprochée à la personne réglementée, les attentes de la profession et les attentes du public. »

Facteur clé 2 – Attentes de la profession [et du public]

1.3. De la même façon, le facteur clé 2 devrait couvrir les attentes de la profession et du public, et pas seulement celles de la profession. Bien que la profession s’attende peut-être à ce que les intervenants fautifs qui se trouvent dans ses propres rangs soient sanctionnés de façon appropriée, les attentes du public sont primordiales pour servir les objectifs de la procédure disciplinaire.

1.4. Cet énoncé devrait être clarifié comme suit : « […] des sanctions excessives qui vont au-delà de la dissuasion particulière ou générale et qui sont de nature punitive peuvent amoindrir le respect à l’égard de la procédure disciplinaire. »

Facteur clé 3 – La gravité des allégations formulées contre le défendeur – s’agissait-il d’actes involontaires, de négligence, d’imprudence, ou d’actes intentionnels? Une influence indue a-t-elle été exercée? La victime était-elle vulnérable?

1.5. La formulation de cette section a besoin d’être révisée dans le but de clarifier si elle s’applique à la fois aux particuliers et aux membres des sociétés de courtage. Par exemple, la section sur la tromperie pourrait être modifiée comme suit :

« Les tentatives du défendeur de dissimuler son inconduite ou d’interrompre ses activités, de tromper, d’induire en erreur ou d’intimider un investisseur, les organismes de réglementation ou, dans le cas d’un défendeur particulier, la société du membre à laquelle il est associé, devraient être considérées comme des facteurs aggravants. »

1.6. FAIR Canada est persuadée que le fait qu’une inconduite résultait d’un acte intentionnel, relevait de l’imprudence ou était un acte de négligence involontaire, est un facteur clé. Il n’y a aucune raison de prendre ce facteur en considération uniquement « dans les cas appropriés ».

1.7. Investisseurs vulnérables – l’influence indue exercée par un défendeur devrait être un facteur aggravant explicite.

1.8. Investisseurs vulnérables – les investisseurs qui sont vulnérables parce qu’ils accordent une grande confiance au défendeur ont besoin d’être protégés, et cela ne devrait pas dépendre de la présence ou de l’absence du fait que la confiance envers le défendeur résulte d’« une relation unique ou particulière entre eux [ou avec la société du défendeur] ». Nous recommandons donc de supprimer la phrase ci-dessus.

1.9. Préméditation/Dissimulation – nous recommandons d’ajouter que la dissimulation de l’inconduite par un défendeur devrait être un facteur aggravant, tout comme le fait de ne pas prendre de mesures raisonnables pour mettre en oeuvre des mécanismes de contrôle appropriés, y compris une surveillance adéquate et des procédures ou des contrôles opérationnels ou techniques appropriés en vue de décourager ou de détecter les actes fautifs ou les inconduites.

Facteur clé 6 – Le préjudice subi par les investisseurs [ou le risque de préjudice ou de pertes] en raison d’une inconduite du défendeur

1.10. FAIR Canada estime que le préjudice ou les pertes réels subis par les investisseurs, ainsi que le risque de pertes pour les investisseurs devraient être considérés comme un facteur clé. Ce n’est pas parce qu’un risque significatif ne s’est pas traduit par des pertes réelles que le fait d’exposer les investisseurs au risque de préjudices ou de pertes ne devrait pas être considéré comme un facteur clé.

Facteur clé 7 – Cas où le défendeur a mis volontairement en oeuvre des mesures correctives après l’inconduite [avant la détection et l’intervention d’un organisme de réglementation ou autre autorité]

1.11. FAIR Canada estime que les mesures correctives prises par le particulier ou le membre devraient constituer un facteur si elles sont prises avant la détection et l’intervention menées par l’ACFM ou une autre autorité. La coopération et les mesures correctives prises après la détection relèvent du comportement que l’on attend d’un courtier ou d’un courtier attitré et ne devraient pas être considérées comme un facteur atténuant.

Facteur clé 8 – Cas où le défendeur a volontairement procédé à un dédommagement, à une restitution ou à un recouvrement pour remédier à l’inconduite

1.12. Le dédommagement des investisseurs pour toutes les pertes qu’ils ont subies ou la restitution de toutes les sommes perdues à ces derniers devraient constituer un facteur atténuant, et il est important d’encourager de tels paiements. Il est essentiel que ces paiements soient évalués et vérifiés indépendamment, afin de s’assurer de leur bien-fondé. FAIR Canada recommande que l’évaluation indépendante du montant du dédommagement soit requise comme condition préalable avant de considérer le dédommagement comme un facteur atténuant; elle doit aussi avoir pour but d’accroître la confiance dans le processus d’application de la loi et d’améliorer la transparence.

FAIR Canada recommande aussi que l’on traite le comportement des défendeurs (y compris les membres) qui dédommagent insuffisamment les investisseurs alors qu’ils sont déchargés de leur créance, comme un facteur aggravant.

1.13. Le recouvrement des profits ou des gains mal acquis devrait être obtenu de sorte que les particuliers ou les membres ne tirent pas profit de leurs propres actes répréhensibles ou de leurs violations des lois et de la réglementation sur les valeurs mobilières (de plus, le recouvrement ne devrait pas se faire aux frais des investisseurs indemnisés, mais plutôt être utilisé pour aider à les indemniser). Le recouvrement ne devrait pas être considéré comme un facteur atténuant en soi, mais pourrait être un facteur atténuant ou aggravant selon que la société a mis en place ou non des ressources pour faciliter ou éviter le recouvrement ou le paiement d’une amende.

1.14. FAIR Canada est persuadée qu’il y aurait une meilleure cohérence et une meilleure transparence des sanctions si les montants de recouvrement étaient ordonnés séparément du montant d’une amende. L’amende devrait être distincte de la somme ordonnée pour recouvrer les profits ou les bénéfices financiers obtenus. Nous ne sommes donc pas d’accord avec l’énoncé de l’ACFM voulant que, « [g]énéralement, le montant d’une amende devrait, au minimum, avoir pour effet de recouvrer le montant du bénéfice financier reçu par le défendeur en résultat de son inconduite ». L’amende devrait plutôt être d’un montant supérieur, afin de constituer un moyen de dissuasion particulière et générale et un mécanisme de protection et de prévention. Sinon, le défendeur retrouve simplement la place qu’il avait avant de commettre l’acte fautif, sans être inquiété davantage – et dans l’ensemble, cela ne représente pas un moyen de dissuasion adéquat.

Facteur clé 9 – Conduite passée du défendeur, y compris ses sanctions antérieures [et l’historique des plaintes de clients]

1.15. Le comité d’audience devrait tenir compte de l’historique des plaintes de clients du défendeur, y compris des décisions des tribunaux et de l’OBSI (nombre de plaintes, gravité des préjudices, montant des pertes, types de comportements, défaut de mettre en place des mécanismes de contrôle interne ou de résoudre les causes pour empêcher que le problème se reproduise, habitude de faire traîner les règlements avec les plaignants, etc.), en plus de l’historique des mesures disciplinaires prises par les organismes de réglementation des valeurs mobilières et les organismes
d’autoréglementation à son endroit. Cela inclurait toute plainte d’un client pour violation de la réglementation en cause et la réaction du défendeur à cette plainte.

Facteur clé 12 : Le total ou le cumul des sanctions devrait refléter de façon appropriée l’inconduite dans sa totalité (y compris en cas de violations multiples ou si l’inconduite a persisté sur une période prolongée sans être corrigée)

1.16. L’application du principe de la totalité devrait dépendre de chaque fait et circonstance, et l’existence de violations multiples ou similaires devrait constituer un facteur aggravant. La formulation de la ligne directrice devrait donc être révisée en conséquence. FAIR Canada est d’avis que le principe de la totalité convient mieux aux situations dans lesquelles les violations n’étaient pas intentionnelles ou ne résultaient pas d’une négligence, et n’ont entraîné aucun préjudice ou aucune perte pour les investisseurs, et dans lesquelles le problème à l’origine de la violation a été résolu de sorte qu’il ne se reproduise pas[2].

Facteur clé 13 : La capacité de payer [ne] doit [pas] être prise en considération lors de l’imposition d’une sanction pécuniaire appropriée [mais de graves difficultés financières peuvent l’être, si toutes les exigences et conditions sont respectées]

1.17. L’incapacité de payer du défendeur devrait être un élément pertinent uniquement dans les cas suivants :

(i) elle résulte du fait que le membre ou le particulier a dédommagé ceux qui ont subi un préjudice en raison de l’inconduite;

(ii) le paiement de l’amende au moyen de versements échelonnés sur une certaine période a été envisagé et engendrerait néanmoins de sérieuses difficultés financières;

(iii) l’incapacité de payer doit être prouvée objectivement et résulter de sérieuses difficultés financières étant donné le seuil du montant du revenu net et de l’actif net, qui devrait être objectivement établi pour tous les cas. Par exemple, la Financial Conduct Authority (FCA) du Royaume-Uni déclare ce qui suit :

« Lorsqu’elle évaluera une pénalité qui pourrait causer de sérieuses difficultés financières à un particulier, la FCA déterminera si le particulier a la capacité de payer la pénalité sur une période raisonnable (qui ne dépasse pas trois ans en général). La FCA considère qu’un particulier sera confronté à de sérieuses difficultés financières dans le seul cas où, pendant cette période, son revenu annuel net chute en deçà de 14 000 £ et son capital en deçà de 16 000 £ en raison du paiement de la pénalité. À moins que la FCA estime que le revenu ainsi que le capital du particulier chuteront en deçà de ces seuils respectifs à la suite du paiement de la pénalité, elle ne considérera probablement pas que la pénalité engendrera de sérieuses difficultés financières[3]. »

(iv) Même s’il est déterminé que des difficultés financières s’ensuivront, la pertinence de la réduction de la sanction devra toujours être évaluée. Toutes les circonstances doivent être prises en considération, y compris : i) la mesure dans laquelle le particulier a bénéficié de l’inconduite; ii) le fait que le particulier a agi ou non de façon frauduleuse ou malhonnête; ou iii) le fait que l’argent a ou non été dépensé ou dissimulé parce qu’une mesure d’exécution était attendue.

Facteur clé 14 – L’aide proactive et exceptionnelle que le défendeur fournit à l’ACFM ne doit être prise en compte que dans le cas où les investisseurs sont entièrement dédommagés

1.18. L’aide proactive et exceptionnelle fournie par un défendeur doit être considérée comme un facteur atténuant lors de l’imposition des sanctions, mais uniquement si ceux qui ont subi le préjudice causé par l’inconduite (tel qu’il est décrit ci-dessus) sont entièrement dédommagés.

2. FAIR Canada recommande un autre facteur clé, y compris dans les lignes directrices sur les pénalités

2.1. Facteur clé supplémentaire – Le fait que le membre défendeur ait mis en place ou non des initiatives de formation et d’éducation adéquates – Les sociétés devraient s’assurer que leurs courtiers attitrés reçoivent une formation et un enseignement adéquats pour fournir des conseils et des services à leurs clients. Par exemple, ils devraient recevoir une formation et un enseignement adéquats sur les questions de maltraitance et de diminution des aptitudes des personnes âgées afin de fournir des services aux investisseurs âgés et vulnérables, ainsi qu’une formation et un enseignement adéquats pour offrir des services appropriés aux Néo-Canadiens et pour faire en sorte qu’ils répondent aux exigences quant à la connaissance de leur produit.

Nous vous remercions de nous avoir donné la possibilité de formuler, par la présente, nos commentaires et nos points de vue. Nous acceptons que ce document soit rendu public, et nous serions heureux d’en discuter avec vous à votre convenance. N’hésitez pas à communiquer avec Frank Allen au 647-256-6693/frank.allen@faircanada.ca ou avec Marian Passmore au 647-256-6691/marian.passmore@faircanada.ca si vous souhaitez discuter des renseignements ci-dessus.
Veuillez agréer l’expression de nos sentiments distingués.

Fondation canadienne pour l’avancement des droits des investisseurs

 


[1] Comité pour le traitement égal des actionnaires minoritaires de la Société Asbestos Ltée c. Ontario (Commission des valeurs mobilières), 2001 CSC 37, aux paragraphes 41 et 42.

[2] FAIR Canada fait remarquer que la Financial Industry Regulatory Authority (« FINRA ») des États-Unis traite les violations multiples comme suit :

Le « regroupement » ou la « mise en lots » des violations pourraient être appropriés pour déterminer les sanctions imposées par les procédures disciplinaires. Dans chaque cas, l’éventail des sanctions pécuniaires pourrait être appliqué au groupe de sanctions pour les types de violations similaires plutôt qu’à chaque violation. Par exemple, il pourrait être approprié de regrouper les violations similaires si : a) l’inconduite était involontaire ou ne relevait pas d’une négligence (c.-à-d. sans intention de manipuler, de frauder ou de tromper); b) la conduite n’a pas entraîné de préjudice pour les investisseurs publics ou, dans les cas où le public a subi un préjudice, la restitution a été effectuée; ou si c) les violations résultaient d’un problème ou d’une cause systémiques insolés qui ont été corrigés.

Toutefois, selon les faits et les circonstances entourant un cas, de multiples violations peuvent être traitées individuellement, de sorte qu’une sanction soit imposée pour chaque violation. De plus, des violations nombreuses et similaires pourraient justifier des sanctions plus sévères, puisque l’existence de violations multiples peut être traitée comme un facteur aggravant. » Voir les lignes directrices des sanctions de la FINRA, page 4, mai 2018, consultables en ligne à l’adresse : http://www.finra.org/sites/default/files/Sanctions_Guidelines.pdf.

[3] Financial Conduct Authority’s Handbook, chapitre 6, Penalties, page 6.5D2 ».