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11 mars 2010

Fonds du marché monétaire canadiens – Zéro rendement

RÉSUMÉ

La plupart des fonds du marché monétaire (FMM) ne rapportent rien – Les Canadiens détiennent 56 milliards de dollars dans des FMM dont le rendement est nul ou presque. En effet, une fois déduits les frais de ces fonds, leur rendement moyen hors inflation et hors impôt a été d’à peine 0,02 % pendant les six derniers mois de 2009 et carrément nul durant les périodes de 30 ou 60 jours terminées le 31 décembre dernier.

Un quart des FMM perdent de l’argent – Pas moins de 68 fonds du marché monétaire canadiens, soit le quart d’entre eux, ont enregistré un rendement négatif au cours des trois ou six mois achevés le 31 décembre 2009. Leurs pertes n’ont pas été importantes – la pire a été de 0,65 % et la plupart étaient inférieures à 0,1 % – et concentrées dans de petits fonds distincts de compagnies d’assurance; aucun des 60 plus grands FMM (selon l’actif géré) n’a perdu de l’argent. Les personnes investissant dans des fonds distincts le font souvent pour des motifs autres que le rendement pur, par exemple pour bénéficier d’une protection du capital ou d’une garantie en cas de décès.

Les FMM occasionnent un manque à gagner de 300 à 500 millions de dollars – En ne prêtant pas assez attention à leurs rendements courants et aux frais qui leur sont facturés et en ne transférant pas leur argent dans des comptes d’épargne à taux bonifié, qui sont plus rémunérateurs, les Canadiens sacrifient de 300 à 500 millions de dollars en revenus d’intérêts. Nous justifions cette estimation plus loin dans ce rapport.

Pourquoi les Canadiens ne délaissent-ils pas les fonds du marché monétaire ? – Beaucoup investissent dans des FMM pour disposer de liquidités à brève échéance et ne cherchent pas à maximiser leur rendement. Certains n’osent pas résilier leurs FMM et placer leur argent ailleurs à cause des frais de sortie élevés de ces fonds. D’autres raisons les poussent à garder leurs FMM, notamment une information insuffisamment claire sur les frais et rendements courants, la sécurité de ces fonds et leur garantie implicite, la force de l’habitude ou l’inertie, le choix de la solution de facilité et l’absence d’incitation pour les conseillers en placement. Les Canadiens se détournent des FMM, mais lentement : chaque mois, entre deux milliards et deux milliards et demi de dollars sont sortis de fonds du marché monétaire pour être placés dans des comptes de dépôt ou des fonds d’actions ou d’obligations à plus long terme.

La logique économique des FMM ne joue plus dans la conjoncture actuelle de taux d’intérêt extrêmement bas – Depuis que le loyer de l’argent a été abaissé à près de zéro en mars 2009, la plupart des FMM canadiens perdraient de l’argent si leurs frais de gestion n’avaient pas été eux aussi réduits. Le ratio des frais de gestion (RFG) moyen est de 0,99 % pour l’ensemble des fonds du marché monétaire. Celui des dix plus grands fonds est de 0,62 % en moyenne. Mais le taux de gros que peuvent actuellement obtenir les FMM sur les bons du Trésor est seulement de 0,57 %. Si la majorité des fonds ont réduit leur RFG, c’était pour éviter d’avoir à annoncer des rendements négatifs et de faire fuir les gens qui investissent dans cette catégorie de placements sûre.

RECOMMANDATIONS ET CONCLUSION

Ce rapport traite des résultats des fonds du marché monétaire canadiens. Un autre suivra, qui se penchera sur l’évolution de ce secteur et sur son cadre réglementaire au Canada et qui comparera la situation d’ici à celle d’autres pays. Nous présentons ciaprès nos recommandations à court terme et ferons plus tard d’autres suggestions en vue de réformer la réglementation.

L’information sur les rendements et les frais devrait être améliorée – Les investisseurs devraient être avisés chaque fois que le rendement d’un placement « sûr » devient négatif ou que les frais de gestion sont réduits. L’obligation actuelle d’information sur les frais – qui ne sont explicités qu’une seule fois dans le prospectus simplifié et dont le total acquitté par un fonds est signalé deux fois par an – n’est pas suffisante pour les investisseurs. Il semble que rien n’oblige à informer ces derniers qu’un FMM ne rapporte rien ou, pire, qu’il fait des pertes.

Les conseillers devraient rediriger leurs clients vers d’autres placements équivalents, mais plus rémunérateurs – Pour agir au mieux des intérêts de leurs clients et à moins d’avoir de solides raisons de leur faire garder leurs FMM, les conseillers en placement devraient leur recommander de sortir de ces fonds et de replacer leur argent dans des comptes d’épargne à taux bonifié qui sont assurés par la SADC.

Les détenteurs de comptes de placement doivent se tenir mieux informés – Les investisseurs ont intérêt à suivre de près l’évolution de leurs comptes et à se tenir au courant des autres choix financiers qui s’offrent à eux au lieu de se fier uniquement à leur conseiller.

RENDEMENTS REPÈRES POUR LES FONDS DU MARCHÉ MONÉTAIRE CANADIENS

% Rendement
(global) moyen
Moyenne des dix
plus gros fonds
Taux de référence
(bons du Trésor à
91 jours)
SUR 3 MOIS  0,00 0,06 0,06
SUR 6 MOIS 0,02 0,13 0,13
SUR 1 AN 0,22 0,55 0,49
SUR 3 ANS 2,00 2,42 2,64
SUR 10 ANS  2,42  2,77 3,26
COURANT 0,18 0,18
RFG 0,99 0,62

Source : Globefund.com. Les rendements indiqués correspondent aux périodes terminées le 31 décembre 2009. Les dix plus gros fonds sont classés selon l’actif géré. Les taux sont ceux du 19 janvier 2010.

DESCRIPTION DES FONDS DU MARCHÉ MONÉTAIRE

Les FMM sont des modes de placement visant à procurer à l’investisseur un rendement sûr sur une courte période. Ils prennent des formes diverses – fonds communs de placement (FCP) du marché monétaire, fonds distincts (assurances) ou FCP de valeurs à revenu fixe à court terme, entre autres.

Les FCP du marché monétaire ont environ 10 % de l’actif total du secteur canadien des  FCP.1 Les fonds du marché monétaire gérés séparément par les compagnies d’assurance représentent 3,5 % du marché plus vaste des fonds distincts.2

Les FMM ont été lancés aux États-Unis comme des « supercomptes » de dépôt en 1971, quand la réglementation maintenait artificiellement bas les taux des comptes d’épargne bancaires. Le secteur financier avait persuadé les autorités d’admettre l’emploi d’une valeur liquidative fixe, ce qui avait contribué à convaincre les investisseurs que la valeur de leur placement ne fluctuerait pas et que ces fonds étaient aussi « sûrs que l’argent liquide ». Comme elles payaient les taux du marché, les maisons de courtage ont pu attirer une plus grande part des fonds investis par leurs clients.

DIVERSITÉ DES FONDS DU MARCHÉ MONÉTAIRE CANADIENS

Il existe plusieurs sortes différentes de FMM au Canada.

FCP du marché monétaire canadien – Ces fonds ne peuvent pas détenir des valeurs dont l’échéance dépasse 364 jours, et la moyenne pondérée des durées restant à courir sur leurs titres ne peut pas excéder 90 jours. Leurs placements sont limités aux obligations fédérales et provinciales, au papier commercial garanti par des banques, aux obligations de sociétés et aux billets à taux variable. Les FMM ont l’autorisation d’avoir une valeur immuable – leur valeur liquidative – en général fixée à 10 $ par part, occasionnellement à 1 $. Leurs intérêts sont établis chaque jour et servis chaque mois, mais la valeur sous-jacente de leurs parts ne varie pas.

FCP de bons du Trésor du Canada – Ils ont l’obligation de ne détenir que des bons du Trésor émis par une administration fédérale ou provinciale, à l’exclusion donc des titres d’emprunt privés et du papier commercial. Comme cette restriction les place parmi les plus prudents des FCP du marché monétaire, ils rapportent en général des taux légèrement inférieurs aux autres.

FCP du marché monétaire américain – Les Canadiens détenant des actifs en dollars américains peuvent préférer avoir une partie de leurs placements à court terme libellés dans cette monnaie. Les institutions financières canadiennes offrent 35 de ces fonds, qui ont un actif géré total de 4 milliards de dollars US, dont 3,4 milliards (soit 86 %) sont confiés à la gestion de trois banques – RBC, TD et CIBC.

FMM distincts – Émis par des compagnies d’assurance et d’autres sociétés de gestion d’actif, ces fonds sont offerts par des agents d’assurance par le biais de contrats d’assurance individuelle à capital variable. Les investisseurs n’ont pas directement accès aux fonds distincts mais répartissent leurs choix de fonds entre les contrats. Ceux-ci garantissent en général le remboursement de 75 % ou 100 % du capital à l’échéance et peuvent comporter une garantie en cas de décès, des droits de réajustement, des retraits minimums garantis et d’autres prestations. Du fait de ces garanties et autres avantages, les FMM distincts ont habituellement des ratios des frais de gestion plus élevés que les autres, parfois beaucoup plus. Ils ont par ailleurs le droit de détenir des placements qui sont plus variés et ont des échéances quelque peu plus longues. Et parce qu’ils sont tenus d’évaluer leurs titres en fonction du marché, leur valeur fluctue.

Le tableau sommaire ci-dessous et une analyse plus élaborée à l’annexe 1 comparent plus en détail les FCP du marché monétaire, les FMM en gestion distincte et des modes d’épargne concurrents comme les comptes d’épargne à taux bonifié et les fonds de valeurs à revenu fixe et à court terme.

FMM RÉGLEMENTÉS ET PRODUITS CONCURRENTS

FCP du marché monétaire FMM distincts Comptes d’épargne à taux
bonifié
  • Obligation de placer 95 %
    de l’actif en titres courts
    agréés
  • Échéance d’au plus un an
    et durée restant à courir
    (pondérée en fonction des
    montants) d’au plus
    90 jours
  • Aucune garantie
  • Valeur de la part fixée en
    général à 10 $ ou 1 $
  • Obligation de placer 95 % del’actif en titres courts agréés
  • Échéance d’au plus 25 mois
    (titres d’État) et durée restante
    (pondérée en fonction des
    montants) d’au plus 180 jours
  • Garantie de 75 % ou 100 % de la
    mise de fonds (à l’échéance du
    contrat)
  • Fluctuation de la part selon les
    variations quotidiennes de la
    valeur liquidative




  • Application des règles de dépôt bancaire
  • Aucune obligation spécifique pour les échéances
  • Assurance de la SADC
    jusqu’à 100 000 $ et
    adossement sur les
    réserves générales de la
    banque
  • Aucune fluctuation de la
    valeur



PRODUITS CONCURRENTS

Les FMM font concurrence directement aux instruments de dépôt comme les comptes d’épargne ordinaires ou à taux bonifié et indirectement à d’autres placements « quasi liquides » comme les fonds de valeurs à revenu fixe et à court terme. Les instruments de dépôt sont très importants puisqu’en juin 2009, les Canadiens en détenaient pour 466 milliards de dollars (essentiellement dans des comptes d’épargne), sans compter 488 milliards dans des dépôts à terme fixe comme les certificats de placement garanti.

Les comptes de chèques et les comptes d’épargne servent des intérêts minimes ou nuls, surtout quand leur solde est faible. Ces comptes classiques, qui valaient 319 milliards de dollars en juin 2009, drainent au-delà de deux fois plus d’argent que les comptes d’épargne à taux bonifié (146 milliards), mais ces derniers affichent une croissance exponentielle – 36 % en 2009, 24 % en 2008, 18 % en 2007 – et leur valeur représente maintenant 32 % de celle de l’ensemble des dépôts, contre 23 % en 2005.3

Au Canada, la concurrence pour les dépôts est devenue féroce depuis cinq ans. ING, la Banque le Choix du Président et d’autres banques de constitution récente ont offert des taux plus élevés pour attirer l’épargne des Canadiens, et les grandes banques ont emboîté le pas en créant leurs propres comptes d’épargne à taux bonifié, plus rémunérateurs. Comme le montre le tableau suivant,
rapporté plus que les FMM au cours des trois dernières années; les comptes d’épargne classiques ont par contre été distancés par les fonds du marché monétaire. Ces derniers continuent à procurer des taux de rendement moins bons que ceux de la plupart des comptes d’épargne à taux bonifié, dont l’annexe 2.

TAUX MOYENS DES COMPTES DE DÉPÔT ET TAUX DE RENDEMENT DES FMM

Source : données de Investor Economics et de Cannex.com

Taux de rendement moyens (points de base) des FMM

Taux d’intérêt moyens (points de base) des comptes d’épargne à taux ordinaire

Taux d’intérêt moyens (points de base) des comptes d’épargne à taux bonifié

Pourquoi les comptes d’épargne à taux bonifié offrent-ils des taux supérieurs ? La principale raison est que les banques, en butte à une dure concurrence, veulent garder leur lucrative clientèle de particuliers : quand d’autres institutions financières ont commencé à offrir des taux plus élevés pour attirer chez elles davantage de petits épargnants, les grandes banques ont lancé de nouveaux produits et majoré leurs taux pour conserver les affaires de leur clientèle (prêts hypothécaires, prêts personnels, etc.).

Il y a une autre raison – un peu accidentelle – à cela : les normes réglementaires et comptables permettent aux institutions financières de traiter tous les dépôts de détail comme du capital à long terme. Mais les sommes placées dans leurs FCP du marché monétaire constituent des engagements hors bilan et ne sont pas prises en compte dans le calcul de leur capital, encore que cela pourrait changer avec les nouvelles normes internationales d’information financière (IFRS). Lorsque les capitaux à long terme sont rares ou particulièrement coûteux, une institution de dépôt a souvent avantage à servir des intérêts plus élevés sur les sommes déposées chez elle, car même à des taux supérieurs à ceux des FMM, ces dépôts constituent une solution peu chère par rapport
aux autres modes de financement à long terme accessibles à ces institutions.

Fonds de valeurs à revenu fixe et à court terme – Ces fonds sont placés pour l’essentiel dans des obligations courtes de trésors publics et de sociétés, des prêts hypothécaires, du papier commercial et d’autres titres à court terme. Ils dégagent en général des taux de rendement plus élevés que les fonds du marché monétaire, avec des échéances allant jusqu’à 3,5 ans contre 90 jours seulement pour les FMM.

Juridiquement, les fonds de valeurs à revenu fixe ne constituent pas une catégorie à part de fonds mais ont simplement une définition particulière.4 Ils ne sont pas régis par des règles spécifiques autres que celles de vaste portée qui s’appliquent à tous les FCP ou fonds distincts, mais doivent respecter certains critères pour mériter leur appellation, sans avoir le droit de se désigner comme fonds du marché monétaire. Leurs valeurs liquidatives sont flottantes.

Globefund.com recense 114 fonds de titres à revenu fixe et à court terme, dont le plus imposant avait un actif de 3 milliards de dollars à la fin de 2009. Ces fonds sont en expansion parce que les investisseurs ont soif de rendement : en période de recul des taux d’intérêt, d’accentuation de la pente des courbes des taux ou d’amenuisement des écarts de taux (entre ceux des obligations de sociétés et ceux des obligations du Trésor canadien correspondantes, qui font référence), ils peuvent procurer des rendements bien supérieurs à ceux de FMM. Mais ils sont aussi plus vulnérables en cas de variation des taux d’intérêt ou de revirement du crédit et exposent à un plus grand risque de perte du capital investi.

MANQUE À GAGNER POSSIBLE DE 300 À 500 MILLIONS DE DOLLARS PAR AN EN REVENUS D’INTÉRÊTS

En gardant des FMM plutôt que d’opter pour des comptes d’épargne à taux bonifié qui leur sont aisément accessibles, les Canadiens « perdent » des intérêts annuels de 300 à 500 millions de dollars, comme le démontre le simple calcul suivant.

À l’heure actuelle, un FMM moyen rapporte entre 0,0 % et 0,1 % au Canada, les dix plus importants (selon l’actif géré) donnant un rendement de 0,18 % en moyenne. Sur ces dix premiers fonds, huit rapportent environ 0,1 % par an et deux se distinguent en annonçant des rendements voisins de 0,5 %.

Les grandes banques canadiennes proposent des comptes d’épargne à des taux d’intérêt bonifiés allant de 0,5 % à 1,0 % par an. Certaines banques et sociétés de fiducie de création plus récente servent sur leurs comptes d’épargne des taux quotidiens de 1,2 % à 1,5 %, et une poignée d’institutions financières qui sont en ligne seulement offrent 2,0 % (banque Ally) ou 2,1 % (People’s Trust).

Il faut remarquer que ces comptes d’épargne diffèrent des FMM en ce qu’ils bénéficient (jusqu’à concurrence de 100 000 $) de la garantie de la Société d’assurance-dépôts du Canada. Certains comportent des minimums obligatoires pour les soldes déposés. L’annexe 2 donne une longue liste de ce genre de comptes de dépôt.

Une majoration de 0,57 point du taux à percevoir sur les 55,7 milliards de dollars placés au 31 janvier 2010 dans des fonds du marché monétaire canadiens – la différence entre le rendement moyen des dix plus gros FMM (0,18 %) et le taux de 0,75 % qu’on peut obtenir auprès de certaines des plus grandes banques canadiennes – permettrait de dégager des intérêts supplémentaires de 317 millions de dollars chaque année.

Mais il n’est pas difficile d’estimer que le manque à gagner est encore plus grand : un écart de 0,90 point – entre un rendement courant de 0,10 % pour les FMM et un taux de 1 % accessible dans certaines banques et beaucoup d’autres institutions financières – donne 500 millions de dollars d’intérêts sacrifiés sur l’autel du marché monétaire.

Bien entendu, il serait simpliste de penser que tous les fonds puissent être transférés. Nos calculs ne visent qu’à donner un ordre de grandeur pour le coût d’option des FMM peu rémunérateurs. Voici quelques-uns des obstacles qui dissuadent les Canadiens de liquider leurs FMM.

  • Le fait de sortir de fonds distincts peut conduire à abandonner des garanties et à subir des pénalités.
  • Les personnes détenant des FMM par le biais de comptes à frais de rachat reportés (dont beaucoup provenaient de fonds d’action, mais sont demeurés dans la même « famille » de fonds) subiraient des pénalités allant jusqu’à 7 % en cas de revente, ce qui annihilerait le léger surcroît de rendement espéré.
  • De nombreux Canadiens ont leurs placements dans des REER dont ils ne peuvent pas facilement transférer des fonds sans frais supplémentaires, retards ou complications.

Lorsque les taux d’intérêt remonteront, les FMM devraient rattraper les comptes d’épargne à taux bonifié et même les surpasser. Ces fonds, constamment réinvestis, s’adaptent en effet très vite aux hausses du loyer de l’argent. Les comptes de dépôt auprès des institutions financières, par contre, ont tendance à être plus « visqueux » et leurs taux, à ne pas suivre ces hausses (tout dépend de l’âpreté de la concurrence).

POPULARITÉ DES FONDS DU MARCHÉ MONÉTAIRE

À la fin de 2009, les Canadiens détenaient pour 58,3 milliards de dollars dans 257 différents FCP ou fonds distincts du marché monétaire. C’est moins que le maximum de 74 milliards qui avait été atteint en octobre 2008, mais cela représente tout de même une très importante masse d’économies.

Les grandes banques dominent le marché monétaire canadien. RBC, chef de file de ce secteur, compte plus d’un million de clients pour ses FMM. Pas moins de 80 % du marché est composé d’investisseurs individuels, le reste étant formé d’entreprises de petite et grande taille qui profitent des compétences des équipes de gestion des FMM en matière de gestion de liquidités. Aux États-Unis, le secteur américain des FMM (3 400 milliards de dollars américains) est très différent puisque les investisseurs institutionnels en contrôlent 65 %.5

Le 31 décembre 2009, les dix premiers FMM canadiens actif moyen de 3,6 milliards de dollars 1 milliard – soit 62 % de l’actif total des fonds du marché monétaire canadiens. On trouvera à l’annexe 3 la liste de ces dix plus gros fonds et celles des meilleurs et pires fonds sur le plan du rendement.

Les investisseurs semblent investir dans des FMM ou en retirer des capitaux moins en fonction des taux d’intérêt que de la tenue des marchés boursiers et obligataires quand ces marchés baissent précipitamment, ils se réfugient dan monétaire quels que soient les rendements réels; quand ces marchés remontent, ils sortent leurs capitaux de ces instruments de placement à court terme, plus sûrs, pour les réinvestir dans des fonds d’obligations et d’actions, plus axé sur le long terme.

FONDS DU MARCHÉ MONÉTAIRE CANADIENS, 1995-2009

Source : Actifs de l’Institut des fonds d’investissement du Canada (IFIC); le taux d’intérêt est Banque du Canada.

POURQUOI LES CANADIENS LAISSENT DE L’ARGENT DANS DES FONDS DU MARCHÉ MONÉTAIRE

Pourquoi les Canadiens détiennent-ils encore 56 milliards de dollars (au 31 janvier 2010) dans des fonds du marché monétaire qui ne rapportent pratiquement rien alors qu’il existe des instruments de placement sûrs, offrant des taux plus élevés (légèrement) !

Beaucoup investissent dans des FMM pour disposer de liquidités à brève échéance ou pour placer leur argent en sûreté en attendant de choisir des placements à plus long terme. Certains ne cherchent pas à maximiser leur rendement. Les fonds restent en moyenne de 8 à 10 mois dans ces placements, mais cela varie beaucoup.

La plupart des investisseurs canadiens ne savent probablement que les FMM produisent actuellement des rendements nuls, voire négatifs dans le cas de fonds distincts d’assurance.

Lorsque les investisseurs canadiens se rendent compte de cette réalité, découvrent d’autres produits d’épargne ou se sentent plus en confiance pour investir dans des instruments à plus long terme, ils délaissent les FMM (mais lentement). Les fonds du marché monétaire qui atteignaient 74 milliards de dollars en mars 2009, un record, baissent actuellement de 1 à 3 milliards de dollars par mois. Les fonds sont transférés dans des placements à rendement plus élevé ou plus longs. Comme les fonds d’actions et obligataires.

Les raisons qui incitent les Canadiens à conserver des fonds du marché monétaire sont diverses :

– Sécurité. La crise financière mondiale et l’effondrement des actions qui a suivi ont terrorisé beaucoup d’investisseurs. Les rendements très faibles, voir nuls des FMM leur semble quand même plus attrayants que les fortes pertes enregistrées par les fonds d’actions en 2008.
– Garantie implicite. Même si les FMM ne sont pas garantis par la Société d’assurance-dépôts du Canada, les promoteurs garantissent implicitement aux investisseurs qu’ils ne perdront pas leurs avoirs. Le marché monétaire, dans son ensemble, a tendance à attirer des fonds lorsque la conjoncture économique ou financière devient plus préoccupante, mais la répartition change. Lorsque la conjoncture économique est moins stable, les investisseurs transfèrent les FMM de petites sociétés vers les plus grandes banques, jugées plus sûres.
– Commodité. Les FMM sont une manière facile d’avoir accès à des liquidités à brève échéance.
– Habitude. Sur une base historique, les rendements des FMM ont été supérieurs à ceux des autres formes de placement, sauf au cours des dernières années.
– Inertie. Les FMM occupent une part relativement faible dans les portefeuilles de la plupart des investisseurs. Les convertir en placements à rendements plus élevés ne semble pas en valoir la peine. Et lorsque les montants sont peu élevés, un demipoint de pourcentage de plus ne fait pas une différence assez nette pour justifier une intervention.
– Manque de connaissances. Des données empiriques indiquent clairement que la plupart des Canadiens ne connaissent ni les frais qu’ils paient, ni les rendements qu’ils reçoivent.

MANQUE D’INCITATION POUR LES CONSEILLERS FINANCIERS

La plupart des conseillers financiers canadiens n’ont aucun intérêt pécuniaire à diriger leurs clients vers des placements plus rémunérateurs, surtout vers des placements qui ne reviennent pas à leur propre société. Certains représentants en fonds communs de placement n’ont d’ailleurs pas accès à des comptes à intérêt bonifié.

Les fonds du marché monétaire versent généralement des commissions de suivi de 0,25 % aux conseillers, alors que ceux-ci ne reçoivent rien sur les dépôts. C’est moins important aujourd’hui où les taux d’intérêt sont extrêmement bas, car de nombreux FMM ont abaissé leur ratio des frais de gestion (RFG) et réduit les commissions de suivi.

Quelques-uns des nouveaux produits de dépôt offerts par FundSERV, le service de compensation central pour la vente de fonds communs de placement, offre le meilleur des deux mondes : des taux d’intérêt plus élevés à l’investisseur et des commissions de suivi modiques au conseiller. Beaucoup de conseillers ont transféré des fonds placés à court terme de leurs clients dans des instruments plus avantageux comme les comptes d’épargne à taux bonifié ou des fonds de revenu fixe à court terme.

LES FRAIS DE SORTIE PEUVENT AVOIR UN EFFET TRÈS DISSUASIF

Certains Canadiens sont obligés de conserver leurs fonds communs ou fonds distincts parce que les résilier leur coûterait très cher. Beaucoup d’émetteurs de fonds communs indépendants et de sociétés d’assurance (mais PAS les banques ou leur maison de courtage à escompte) appliquent des frais d’acquisition reportés. Les investisseurs paient ainsi des frais non pas à l’achat, mais à la vente de leurs parts. Les frais suivent un barème dégressif selon la durée de conservation du placement : généralement de 5 à 7 % la première année, ils baissent ensuite de 0,5 à 1 % chaque année pour tomber à zéro si le placement est conservé pendant sept ans.

Le secteur des services financiers adore les frais d’acquisition reportés. En ne payant pas de frais au moment de l’acquisition, les investisseurs reçoivent un rendement sur l’intégralité de leur placement. Ils sont encouragés à choisir des placements à long terme par des pénalités en cas de résiliation anticipée. Le conseiller financier reçoit des commissions d’acquisition généreuses (habituellement de 5 %) sur ces ventes et des commissions de suivi (plutôt de 0,25 % que de 1,0 %). En théorie, tout le monde gagne.

Les choses sont un peu différentes dans la réalité. Les frais d’acquisition reportés peuvent obliger les investisseurs à conserver des fonds peu rémunérateurs pour éviter d’avoir à payer des frais de sortie considérables. À noter que la moitié des fonds calculent les frais sur le montant initial du placement et non sur sa valeur de marché au moment de la vente. Les investisseurs qui tenaient à se défaire de leurs fonds d’actions à n’importe quel prix après l’effondrement de 2008 se sont parfois vus imposer des frais de sortie substantiels.

Les transferts entre des fonds d’une même famille sont un moyen d’éviter des frais de sortie. Ceux qui fuyaient le marché des actions en 2008 pouvaient transférer leurs placements dans des fonds du marché monétaire du même émetteur. Même si les rendements des FMM frôlent 0 %, c’est tout de même mieux que d’avoir à payer des frais d’acquisition différés de 4 % à 6 % – souvent sur le montant initial d’un placement qui peut avoir perdu de 30 % à 40 % de sa valeur !

RENDEMENT DES FONDS DU MARCHÉ MONÉTAIRE CANADIENS – RÉSUMÉ

Moyenne (Total) Moyenne
10 premiers fonds
Référence :
Bons du Trésor
91 jours
30 JOURS  0,00 0,02 0,02
3 MOIS 0,00 0,06 0,06
6 MOIS 0,02 0,13 0,13
1 AN 0,22 0,55 0,49
3 ANS 2,00 2,42 2,64
10 ANS 2,42 2,77 3,26
20 ANS 4,10 n/d 4,92
Actifs (M$) 227 3 631
Taux actuel 0,10 0,16 0,18
RFG 0,99 0,62

Source : GlobeFunds, contrevérifiés auprès de Morningstar. Les chiffres expriment un pourcentage sauf les actifs. Les rendements indiqués pour les périodes de 30 jours, 3 mois et 6 mois sont réels (non annualisés); tous les autres rendements sont annualisés. Les taux sont ceux du 19 janvier 2010. Les rendements indiqués correspondent à la période terminée au 31 décembre 2009. Les 10 premiers fonds sont classés selon l’actif géré. Moyenne arithmétique des 257 fonds, non pondérée par actif.

DES RENDEMENTS HISTORIQUES HONORABLES, MAIS EN BAISSE

Un fonds du marché monétaire moyen rapportait un intérêt composé annuel de 2 % les trois dernières années, de 2,42 % sur 10 ans et de 4,1 % sur 20 ans. Les dix meilleurs fonds ont été plus rémunérateurs : 2,4 % pour les trois dernières années, et 2,77 % sur 10 ans.

Ces rendements ont cependant considérablement baissé depuis un an. Le rendement moyen des 257 FMM de Globefunds a été nul pour la période de 30 jours et de 60 jours terminée en décembre 2009. Les rendements pour six mois ont été à peine supérieurs, de 0,02 %. Le rendement à un an a légèrement augmenté, à 0,22 %. Nous soulignons que tous les rendements indiqués sont nets des frais de gestion, mais avant les coûts très réels de l’inflation et (sauf pour les comptes enregistrés) avant l’impôt.

Comme les Canadiens investissent essentiellement dans les plus gros fonds du marché monétaire (appartenant essentiellement aux banques), il est intéressant d’observer leur rendement. Les 10 premiers fonds produisent des rendements légèrement supérieurs à ceux de tous les autres fonds : 0,02 % pour un placement de 30 jours, 0,06 % pour 3 mois, 0,55 % pour 12 mois.

LA PLUPART DES FMM ONT PRODUIT DES RENDEMENTS INFÉRIEURS À CEUX DE LEUR REPÈRE

Le rendement d’un fonds du marché monétaire moyen a systématiquement été inférieur à celui de son titre de référence : le bon du Trésor de 91 jours – un titre à court terme sans risque garanti par l’État canadien. Les 10 premiers fonds ont égalé leur repère pour les placements courts passés (30 jours, 3 et 6 mois) et l’ont surpassé sur un an. Mais leur rendement a été plus faible sur des périodes plus longues.

Les FMM canadiens peuvent détenir d’autres actifs à court terme qui rapportent des taux plus élevés que les bons du Trésor de 91 jours. Cela comprend les obligations fédérales et provinciales de moins d’un an, les obligations de sociétés, les obligations à taux variable et le papier commercial adossé à des créances. Tous les placements doivent avoir une échéance courte, de moins de 12 mois.

Les placements à taux plus élevés améliorent la position des FMM par rapport aux bons du Trésor. Par contre, les taux affichés pour les bons du Trésor ne comprennent pas les frais, contrairement à ceux des FMM. La plupart des courtiers ne prélèvent pas de commissions sur les achats directs de bons du Trésor; ils gagnent de l’argent sur l’écart entre le taux de gros et le taux de détail. Après un certain temps, ces frais font baisser le rendement des FMM par rapport à leur titre de référence.

DIFFICILE DE NOTER UNE DIFFÉRENCE DE RENDEMENT

Les restrictions sur les placements autorisés dans les fonds du marché monétaire font qu’en définitive les écarts de taux sont assez faibles. Le taux de rendement des 10 premiers fonds par leur actif a varié essentiellement entre 0,32 % et 0,61 % pour la période terminée le 31 décembre 2009. Le plus performant du groupe des dix, BMO Fonds prestige du marché monétaire, a rapporté 1,05 %; le moins performant, CI Fonds marché monétaire, 0,19 %.

Le fonds qui a affiché le plus mauvais rendement, Acuity Short Term Income, a perdu 0,39 % au cours des trois premiers mois et 1,3 % pour l’ensemble de l’année terminée le 31 décembre. Le fonds le plus rémunérateur, United Cash Management Pool W, a rapporté 0,31 % pour la période de trois mois terminée en décembre. Par comparaison aux actions, voire aux obligations, où les écarts sont beaucoup plus marqués, ces différences ne sont pas énormes. Les écarts de rendement entre les comptes d’épargne, même ceux à taux bonifié, ne sont pas non plus très considérables.

Les frais (dont nous discutons plus en détail ci-dessous) font toute la différence. Ce n’est pas un hasard si les frais perçus par les plus importants fonds du marché monétaire canadiens par l’actif géré comptent parmi les plus faibles. Aucun des 10 premiers fonds n’a un RFG de plus de 1 %; le plus bas est de 0,32 %. Par comparaison, les frais demandés par les 10 fonds les moins rémunérateurs vont de 1,21 % à 2,3 %.

L’autre grand facteur de différenciation est le profil de risque. Certains fonds contiennent des pourcentages plus élevés de papier commercial adossé à des créances (PCAC). Ces fonds qui ne risquent pas de connaître des problèmes de liquidités à cause de l’encaissement peuvent s’orienter vers des investissements légèrement plus longs, moins facilement convertibles en liquidités. L’Annexe 3 présente la performance des 10 premiers FMM canadiens par leurs actifs, ainsi que les 10 fonds les plus rémunérateurs et les 10 moins performants, classés par le rendement dégagé au cours des trois derniers mois.

FRAIS

Le ratio des frais de gestion (RFG) moyen des 257 FMM canadiens est de 0,99 %. La moyenne pour les dix fonds les plus performants est de 0,62 %. Le RFG moyen des fonds dont la valeur des actifs est inférieure à 25 millions de dollars est de 1,06 %.

Les moyennes cachent de grandes disparités. Cinquante et un fonds avaient un RFG d’au moins 1,4 % au 31 décembre 2009 – soit un huitième de l’ensemble des fonds. Ce chiffre ne comprend pas un certain nombre de fonds qui avaient officiellement et temporairement annulé leur RFG pour éviter de perdre de l’argent ou faire baisser leur valeur en dessous de la valeur liquidative.

Quelques-uns des plus grands fonds facturent les frais les plus bas. Les frais imposés par le Fonds du marché monétaire Plus RBC qui, avec 10,5 milliards de dollars d’actifs sous gestion est de loin le plus gros du secteur, n’étaient que de 0,34 %. Ceux du fonds qui vient immédiatement après en ordre d’importance, le Fonds du marché monétaire Plus TD, étaient de 0,32 %. Ces deux fonds exigent un placement initial minimum de 100 000 $.

Les « plus gourmands » sont les fonds distincts. Ils offrent certaines, voire toutes les caractéristiques ci-dessous, ce que ne font pas les autres produits : capital garanti à l’échéance, prestations de décès, options de réajustement, retraits minimums garantis, protection contre les frais d’homologation. Ces avantages augmentent les frais. Plusieurs fonds distincts prélèvent des frais de 1,8 %, de 1,9 %, voire de 2,3 %.

Il convient de noter que les frais payés par les fonds du marché monétaire institutionnels sont beaucoup moins élevés. Ils bénéficient d’économies d’échelle et de la puissance d’achat que leur donne le regroupement de leurs clients. Par exemple, le RFG du Faculty Pension Plan de l’Université de la Colombie-Britannique n’est que de 0,13 % pour ses fonds du marché monétaire.

RENDEMENTS POSITIFS – TRÈS DIFFICILES À OBTENIR DANS LA CONJONCTURE ACTUELLE DES TAUX D’INTÉRÊT

Les taux actuels font qu’il est pratiquement impossible pour les fonds du marché monétaire canadiens de rapporter des rendements positifs aux investisseurs, après déduction des frais. Les taux offerts aux banques pour les bons du Trésor vont de 18 points de base pour un mois à 55 pour 12 mois. Les obligations à court terme proposées par les banques et d’autres organismes très bien côtés offrent un peu plus. Le papier commercial, un peu plus risqué, propose des paliers supplémentaires – 35 points de base pour un à trois mois et jusqu’à 80 points de base pour un an. Mais les taux d’intérêt étant extrêmement bas, les différences sont assez minimes.

Tous les fonds du marché monétaire paient des frais de gestion et de services sur les comptes. Beaucoup versent traditionnellement des commissions de suivi de 12 à 25 points de base sur leur RFG au conseiller qui les vend. Les taux d’intérêt étant extrêmement bas, ces commissions de suivi ont été très largement annulées.

LES RÉDUCTIONS DES FRAIS ÉVITENT DES RENDEMENTS NÉGATIFS

Alors comment les sociétés de fonds réussissent-elles à déclarer des rendements positifs quand les rendements bruts offerts par les bons du Trésor et d’autres instruments sont inférieurs à leur ratio des frais de gestion ? En réduisant leurs frais.

Les taux d’intérêt étant ce qu’ils sont, pratiquement toutes les sociétés ont réduit leurs frais sur les FMM. En généralement, elles ne font pas de battage publicitaire autour de ces réductions. Elles abaissent les frais juste assez pour compenser leurs coûts et pour que leurs rendements ne deviennent pas négatifs.

Les sociétés de fonds publient leur RFG dans leur prospectus simplifié. Elles ne peuvent le relever sans l’autorisation formelle de l’assemblée des porteurs de parts – mais elles peuvent le réduire à tout moment, sans avoir à publier immédiatement cette information.6 Les frais totaux payés sont publiés dans les états financiers annuels et semestriels du fonds.

Certaines sociétés continuent de fonctionner sans avoir annoncé de réductions temporaires de leurs frais, dans l’espoir que la hausse des taux d’intérêt leur permettra de revenir à leur modèle d’affaires courant. Mais les investisseurs canadiens ne devraient pas avoir à compter sur la générosité de leurs institutions financières pour ne pas perdre de l’argent.

ÉVITER UNE BAISSE SOUS LA VALEUR LIQUIDATIVE AFFICHÉE

Les fonds du marché monétaire canadiens ont traditionnellement une valeur liquidative de 10 $ par part. Le prix des parts reste invariablement fixé à 10 $; le porteur reçoit des distributions mensuelles sur le revenu en intérêts après déduction des frais (le « ratio des frais de gestion » ou RFG). Aux États-Unis, à peu près tous les fonds du marché monétaire ont une valeur liquidative de 1 $.

Et si le taux d’intérêt était si faible qu’il ne couvrait pas le RFG ? Presque tous les courtiers ont abaissé leurs frais récemment pour éviter ce scénario. Plusieurs ont annoncé une réduction permanente des frais. D’autres ont opté pour des réductions temporaires sans annonces officielles.

Qu’arriverait-il si les parts d’un fonds baissaient sous la valeur liquidative ? Les investisseurs ne veulent pas entendre que leur placement du marché monétaire est moins sûr que des économies placées dans un compte d’épargne ou un compte chèques à la banque – ou sous leur matelas. Ils déserteraient en masse le produit – et les autres offres du gestionnaire. Les risques de réputation et commerciaux sont trop grands pour que les institutions financières s’y exposent.

Aucun fonds du marché monétaire n’a jamais vu ses parts descendre sous la valeur liquidative au Canada. Au début des années 1990, cependant, pour la société de fonds communs de placement alors indépendante Altamira, il s’en est fallu de peu. Altamira s’est trouvée prise avec du papier à l’échéance un peu longue à un moment où les taux d’intérêt montaient prestement. Elle n’a pas pu s’adapter assez rapidement. Elle a vite injecté de l’argent dans ses FMM, mais la situation avait fait peur aux investisseurs. Le bruit a couru que d’autres FMM garantis par des banques se trouvaient en position irrégulière; les banques mères ont cependant vite injecté les fonds nécessaires.

La même chose est arrivée à des FMM canadiens lors du gel du marché du papier commercial adossé à des créances (PCAC) non bancaire, en août 2007. Vingt-quatre FMM canadiens (mais aucun des cinq grandes banques) étaient exposés à ce papier – certains avaient investi jusqu’à un quart de leurs actifs dans du PCAC non bancaire. Tous les fonds ont alors résolu d’acheter ce papier à sa valeur nominale totale, afin d’éviter que leurs parts ne descendent sous la valeur liquidative.

Le 16 septembre 2008, le lendemain de la faillite de Lehman Brothers, c’est arrivé au plus ancien fonds du marché monétaire américain. Reserve Primary Fund avait lancé le premier FMM américain en 1971. Quatorze pour cent de ses actifs étaient investis dans du papier commercial associé à Lehman, que le fonds n’a pas pu liquider immédiatement. Ce jour-là, il a affiché un cours à la fermeture de 0,97 $. Les investisseurs ont rapidement retiré 60 % des actifs du fonds. Deux jours plus tard, le géant des fonds communs de placement Putnam suspendait tous les retraits de son fonds Prime Money Market Fund de 12,3 milliards de dollars.

Cette semaine-là, 300 milliards de dollars ont été retirés de l’ensemble des fonds du marché  monétaire américains. Les investisseurs étaient persuadés que tout s’écroulait. Pour empêcher la panique générale de paralyser toute l’industrie des FMM des États- Unis – un marché de 3 400 milliards de dollars – et d’aggraver encore la crise du crédit, la Réserve fédérale américaine a émis le 19 septembre 2008 une garantie globale couvrant tous les FMM américains. Fait intéressant, cette garantie a expiré récemment sans effets indésirables sur le marché.

RÉSUMÉ ET CONCLUSION

Il y a certainement de nombreuses raisons valables de détenir des fonds du marché monétaire, mais nous craignons que beaucoup de Canadiens ne portent pas suffisamment attention à leurs taux de rendement dérisoires – sinon nuls – actuels. La plupart des FMM canadiens ne rapportent pas d’argent. En fait, un quart des 257 FMM canadiens en dollars canadiens en perdent.

La logique économique de ces fonds n’est pas intéressante dans le contexte actuel de très faibles taux d’intérêt où les RFG moyens dépassent le taux de gros que peuvent obtenir les FMM. Les Canadiens renoncent à un revenu d’intérêt potentiel d’au moins 300 millions de dollars – voire 500 millions – en ne transférant pas leur argent dans des comptes d’épargne à taux bonifié qui rapportent plus.

FAIR Canada appelle aux changements suivants :

L’information sur les rendements et les frais devrait être améliorée – Les investisseurs devraient être avisés chaque fois que le rendement d’un placement « sûr » devient négatif ou que les frais de gestion sont réduits. L’obligation actuelle d’information sur les frais – qui ne sont explicités qu’une seule fois dans le prospectus simplifié et dont le total acquitté par un fonds est signalé deux fois par an – n’est pas suffisante pour les investisseurs. Il semble que rien n’oblige à informer ces derniers qu’un FMM ne rapporte rien ou, pire, qu’il fait des pertes.

Les conseillers devraient rediriger leurs clients vers d’autres placements équivalents mais plus rémunérateurs – Pour agir au mieux des intérêts de leurs clients et à moins d’avoir de solides raisons de leur faire garder leurs FMM, les conseillers en placement devraient leur recommander de sortir de ces fonds et de replacer leur argent dans des comptes d’épargne à taux bonifié qui sont assurés par la SADC.

Les détenteurs de comptes de placement doivent se tenir mieux informés – Les investisseurs ont intérêt à suivre de près l’évolution de leurs comptes et à se tenir au courant des autres choix financiers qui s’offrent à eux au lieu de se fier uniquement à leur conseiller.

ANNEXE 1

Comparaison des fonds du marché monétaire et des fonds à court terme

FONDS DU MARCHÉ
MONÉTAIRE
FONDS DISTINCTS FONDS DE REVENU À
COURT TERME
RÉGLEMENTATION Les FMM sont réglementés par les organismes de réglementation des valeurs mobilières provinciaux [Loi sur les valeurs mobilières, L.R.O.
1990, c. S.5, NC 81-101 et
NC 81-102].
Les fonds distincts sont régis par les lois fédérales et
provinciales sur les assurances. [Loi sur les sociétés  d’assurance, L.C.
1991, c. 47; Loi sur les assurances, L.R.O. 1990,
c. 1.8].
Les fonds de revenu à court terme sont
réglementés par les organismes de
réglementation des valeurs mobilières provinciaux. [Loi sur les valeurs mobilières, L.R.O.
1990, c. S.5, NC 81-101 et NC 81-102].
DESCRIPTION Les FMM sont un type de
fonds commun de  placement
qui investit dans des  produits de placement à court terme admissibles. Les investisseurs peuvent racheter leurs titres
directement auprès du  fonds en tout temps.
Aussi appelés «  contrats
d’assurance variable
individuels », les fonds distincts ont habituellement
les caractéristiques à la fois d’une police d’assurance vie et d’un fonds commun de placement.
Il s’agit de fonds qui
investissent dans des
titres de créance à court terme. Les fonds d’obligations investissent leurs actifs dans des
obligations d’État à court terme, des obligations commerciales et du papier commercial.
ÉMETTEURS Banques, sociétés de fonds
communs de placement,
autres institutions  financières
On ne peut détenir des fonds distincts que par le biais d’un contrat d’assurance. Ces
fonds peuvent être offerts par différentes institutions financières.
Banques, sociétés de
fonds communs de
placement, autres
institutions  financières
EXIGENCES
RELATIVES AUX
PLACEMENTS
Les FMM doivent investir 95 % de leurs actifs dans des instruments à court terme approuvés, dont des bons du Trésor, des obligations fédérales et provinciales à court terme, du papier
commercial et des
acceptations bancaires.
Les fonds distincts
investissent 95 % de leurs actifs dans des instruments à court terme approuvés.
90 % des fonds dans des actifs canadiens.
Placements de  qualité; pas
plus de 25 % dans des obligations à rendement élevé.
EXIGENCES
RELATIVES AUX
ÉCHÉANCES
Les FMM ne peuvent détenir
que des instruments venant à échéance dans au plus
364 jours. Leur durée
moyenne jusqu’à l’échéance
pondérée en valeur ne peut
dépasser 90 jours.
Échéance de moins de
13 mois (25 mois pour les titres d’État) et durée moyenne jusqu’à l’échéance
pondérée en valeur allant jusqu’à 180 jours.
L’échéance moyenne ne doit pas dépasser 3,5 ans.
GARANTIES Aucune La valeur à l’échéance du contrat est garantie (à 75 %
ou 100 % du montant investi, selon la police particulière) après une certaine période
(habituellement 10 ans).
Aucune
AUTRES
EXIGENCES
S.o.  Les caractéristiques de police d’assurance vie et de fonds commun de  placement d’un
fonds distinct doivent rester séparées.
S.o.
PRIX DES PARTS Valeur liquidative fixe, de 10 $ le plus souvent, et de 1 $ à
l’occasion. Ne fluctue pas.
Fluctue selon les variations quotidiennes de la valeur liquidative. Fluctue selon les
variations  quotidiennes de
la valeur liquidative.

ANNEXE 2

Comptes de dépôt à intérêt élevé

Institution financière – Nom du compte Taux
d’intérêt
(%)
Solde
minimum
($)
ATB Financial – Springboard Savings Account 0,75 0
Achieva Financial – Daily Interest Savings 1,85 0
Alterna Bank – Daily Step High Interest   0,90 0
Banque Amex du Canada – Compte d’épargne placement AMEX 1,00 0
B2B Trust – Compte d’épargne à intérêt élevé 0,75 0
BMO Banque de Montréal – Compte d’épargne bonifiée BMO  (2) 1,00 5 000
Banque Scotia – Compte Accélération Plus (2) 1,00 5 000
CIBC – Compte d’épargne cyberAvantage CIBC (2) 1,00 5 000
CIBC – Compte d’épargne bonifiée CIBC (2) 0,75 3 000
Caisses Desjardins – Compte à haut rendement Desjardins (4) 0,50 25 000
Caisses Desjardins – Compte à haut rendement Desjardins (6) 1,10 100 000
Canada-Vie – Compte à intérêts quotidiens 0,25 0
Banque Canadian Tire – Compte d’épargne à intérêt élevé 1,35 0
Citibank – Compte d’épargne Citibank (3) 0,75 5 000
Banque Dundee du Canada – Compte d’épargne-placement Dundee 0,70 0
Banque HSBC Canada – Compte d’épargne HSBC Advance 0,80 0
Banque ICICI du Canada – Compte d’épargne HiSAVE 1,20 0
ING Direct – Compte d’Épargne-placement 1,20 0
Banque Laurentienne du Canada – Compte Placement Excellence (2) 0,20 5 000
Banque Laurentienne du Canada – Compte Placement Excellence (6) 1,20 100 000
MAXA Financial – Regular Savings 1,85 0
Banque Manuvie – Compte Avantage 1,00 0
Banque Nationale – Le Stratégique 0,10 5 000
PACE Savings & Credit Union – Virtual (5) 1,20 25 001
Parama Credit Union – Regular Savings 1,20 0
Peoples Trust – Savings 2,10 0
President’s Choice Financial – Interest Plus Savings Account (2) 1,00 1 000
Banque Royale du Canada – Compte Épargne @ intérêt élevé RBC 0,75 0
State Bank of India – Super Saver 1,20 1 000
Steinbach Credit Union – Regular Savings 1,75 0
Financière Sun Life – Compte à intérêt variable 0,25 0
TD Canada Trust – Compte de placement garanti 0,75 5 000

Source : Cannex.com. Taux en vigueur le 27 janvier 2010.

ANNEXE 3

10 premiers FMM canadiens, selon les actifs

Nom du fonds Actifs
(G$)
RFG 30
jours
3
mois
6
mois
1 an 3 ans Rend.
Fonds du marché
monétaire Plus RBC
10,5 0,34 0,02 0,06 0,14 0,89   2,92 0,13
 Fonds du marché
monétaire Plus TD
4,9 0,32 0,00  0,03  0,12  0,61 2,72  0,08
Fonds du marché
monétaire canadien
RBC
4,8 0,89 0,01 0,02 0,06 0,58 2,41 0,09
Fonds du marché
monétaire canadien TD
3,9 0,76 0,00 0,01   0,05 0,32 2,21 0,05
CIBC 3,1 0,54 0,02 0,04 0,09 0,36 2,12 0,16
Scotia 2,7 0,75 0,01 0,03 0,06 0,39 2,15 0,10
Maclean Budden 2,6 0,55 0,05 0,13 0,25 0,78 3,02 0,44
CI 1,4 0,74 0,02 0,06 0,08 0,19 1,93 0,07
Fonds de bons du
Trésor canadien RBC
1,2 0,89 0,01 0,02 0,06 0,28 2,00 0,11
BMO Fonds prestige du
marché monétaire
1,0 0,41 0,06 0,17 0,35 1,05 2,76 0,63
Référence :
Bons du Trésor 91 jours
s.o.  s.o. 0,02 0,06 0,13 0,49 2,64 0,18

10 premiers FMM canadiens, selon le rendement sur 3 mois

Nom du fonds Actifs
(M$)
RFG 30
jours
3 mois 6 mois 1 an 3 ans
United Cash Mgmt W 65,8 0,01 0,00 0,31 0,52 0,87 3,04
Manuvie FPG SelAdv 228,5 0,00 0,08 0,25 0,52 1,32 2,78
SEI Cat. O 180,0 0,14 0,08 0,18 0,35 1,09  2,98
AIC Corp Class 50,9 0,89 0,21 0,18 0,07 0,70 2,15
Mavrix séries multiples
Revenu à court terme
3,6 0,53 0,00  0,18 0,63 0,82 1,74
BMO Fonds prestige du
marché monétaire
1025,6 0,41 0,06 0,17 0,35 1,05 2,76
Dynamique 43,3 0,80 -0,17 0,17 0,17 0,34 1,92
Highstreet 39,3 0,25 0,04 0,16 0,38 1,24 3,09
Manuvie ML Elite 3,3 0,11 0,05 0,15 0,36 1,20 3,15
Fonds de gestion de
trésorerie BN
448,5 0,28 0,05 0,14 0,30 0,91 2,82
Maclean Budden 2642,9 0,55 0,05 0,13 0,25 0,78 3,02

10 derniers FMM canadiens, selon le rendement sur 3 mois

Nom du fonds Actifs
(M$)
RFG 30
jours
3
mois
6
mois
1 an 3 ans Rend.
Empire Vie Cat. C 2,3 1,51 -0,08 -0,17 -0,13 -0,03 1,86 0,02
Standard Life Ideal NL 16,0 1,21 -0,06 -0,18 -0,30 -0,16 1,87 0,15
IA Clarington série B 0,2 1,40 -0,07 -0,19 -0,45   -0,67 n/a 0,15
DSF FPG 5 48,5 1,25 -0,15 -0,21 -0,30 -0,26 n/a 0,11
Co-operators PP 1,6 2,15 -0,12 -0,26 -0,43 0,21 1,70 0,54
DSF FPG3 9,0 1,55 0,00 -0,28 -0,45 -0,58 1,40
Imperial Life Growth 2,8 1,50 -0,05 -0,28 -0,41 -0,33 1,56 0,01
Co-operators PP SFA 1,6 2,31 -0,14 -0,30 -0,50 0,05 1,54 0,33
Manuvie FPG CAP A 20,8 2,10 -0,12 -0,35 -0,65 -1,1 0,97
Acuity ST Income 0,6 1,95 -0,13 -0,39 -0,75 -1,3 s.o.

Source : Globefund.com. Tous les chiffres expriment des pourcentages, sauf pour les
actifs. Données sur le rendement au 31 décembre 2009. Les rendements (dernière
colonne) sont tels que déclarés par les sociétés sur Globefund.com et sont à jour au
19 janvier 2010.

1 Institut des fonds d’investissement du Canada, statistiques de décembre 2009
2 Association canadienne des compagnies d’assurances de personnes, entrevue de février 2010
3 Investor Economics, DFIAS (Deposit and Fixed Income Advisory Service), automne 2009
4 Tous les FCP et fonds distincts du Canada sont placés dans une catégorie par le CIFSC (Comité canadien de normalisation des fonds d’investissement) afin de normaliser la classification des fonds domiciliés au Canada. Le site web de ce comité définit les fonds de valeurs à revenu fixe et à court terme comme des fonds qui doivent avoir au moins 90 % de titres à revenu fixe en dollars canadiens d’une durée moyenne de moins de 3,5 ans et investir avant tout dans des titres de qualité, les critères étant que la cote moyenne de solvabilité de l’ensemble du portefeuille soit de qualité acceptable (au moins BBB ou l’équivalent) et que le portefeuille ne soit pas placé à plus de 25 % dans des valeurs à revenu fixe à haut rendement. Aux fins de cette classification, jusqu’à 30 % de l’actif d’un fonds peut être placé dans des titres à revenu fixe étrangers, lesquels seront traités comme s’ils étaient canadiens dans la mesure où ils font l’objet d’une couverture de change.
5 Sources : entretiens de FAIR Canada avec l’Institut des fonds d’investissement du Canada et données de l’Investment Company Institute, Research Fundamentals, avril 2009, p. 7.
6 Si les frais étaient annulés ou absorbés dans le fonds, le gestionnaire du fonds devrait annoncer ce que le RFG aurait été sans cette annulation, la durée de l’annulation et le RFG à la fin. Voir Partie 15 du Règlement 81-106 Calcul du ratio des frais de gestion sous 15.1(2). Certains pensent que ces changements de frais sont des changements importants qu’un investisseur raisonnable devrait prendre en considération pour déterminer s’il doit acheter ou conserver des titres du fonds de placement. Voir Formulaire 81-106F1, Partie A, article 1 (e).