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18 juin 2014

British Columbia Securities Commission
C.P. 10142, Pacific Centre
701 West Georgia Street
Vancouver (Colombie-Britannique) V7Y 1L2

À l’attention de :
Leslie Rose
Conseillère juridique principale, Financement des entreprises
Envoyé par courriel à : lrose@bcsc.bc.ca

Sarah Corrigall-Brown
Conseiller juridique principal, Réglementation des marchés de capitaux
Envoyé par courriel à : scorrigall-brown@bcsc.bc.ca

Objet : BC Notice 2014/03 – Avis et appel de commentaire sur le financement participatif pour les entreprises en démarrage

FAIR Canada a le plaisir de soumettre ses commentaires suite à l’avis BC Notice 2014/03 et à l’appel de commentaires sur le financement participatif pour les entreprises en démarrage (« l’avis »).

Le financement participatif est une méthode qui permet de financer un projet ou une entreprise en réunissant de petites sommes auprès d’un nombre potentiellement élevé de personnes au moyen d’un portail Internet agissant comme intermédiaire.1 Il existe cinq modèles de financement participatif : le modèle reposant sur les dons, le modèle reposant sur les récompenses, le modèle reposant sur le préachat, le modèle reposant sur les prêts entre particuliers et le modèle reposant sur les titres. Notre mémoire s’intéresse en particulier au modèle basé sur les titres, car il s’agit de celui qui entraînera en général une distribution de valeurs mobilières.

FAIR Canada est un organisme sans but lucratif national de défense des épargnants. À titre de représentant des investisseurs canadiens, FAIR Canada milite pour une plus grande protection des investisseurs dans le domaine de la réglementation des valeurs mobilières. Consultez le site faircanada.ca pour de plus amples renseignements.

1. Sommaire

1.1. FAIR Canada ne soutient l’introduction d’une dispense de financement participatif dans aucun territoire canadien. Nous sommes farouchement opposés à la dispense pour les entreprises en démarrage en Colombie-Britannique et partout ailleurs au Canada.

1.2. Selon nous, ces deux modèles sont faussés et pourraient causer de graves préjudices aux investisseurs.

1.3. Selon nous, la dispense de financement participatif présente de graves risques pour les investisseurs, comme nous le précisons ci-dessous. La dispense pour les entreprises en démarrage fait pire encore – il est tout simplement inacceptable de permettre à des portails non inscrits d’opérer au Canada sans imposer un montant limite d’investissement total.

1.4. D’après FAIR Canada, les ressources réglementaires limitées devraient être utilisées pour que soient privilégiées les initiatives orientées vers un renforcement de la protection des investisseurs, car celles-ci favoriseraient la formation de capital réel et l’émergence de marchés de capitaux justes et efficaces. Des initiatives importantes pour la protection des investisseurs telles que l’introduction d’une norme donnant priorité aux intérêts du client et l’interdiction de commissions de ventes entraînant des conflits d’intérêts sont des protections essentielles qui manquent au cadre réglementaire actuel pour les investissements dans des placements privés et publics.

1.5. FAIR Canada s’étonne de voir à quelle vitesse l’initiative de financement participatif a évolué du stade d’idée à celle de proposition de réglementation. Malgré le manque de preuves, des Autorités canadiennes de réglementation en valeurs mobilières ont jugé approprié de faire progresser le dossier avec des règles non prouvées dont on sait généralement qu’elles exposent les investisseurs à des pertes. Nous craignons que, dans
leur hâte, les autorités de réglementation des valeurs mobilières aient omis de se demander comment cette expérience se répercutera sur le processus d’élaboration des politiques dans quelques années.

1.6. Il nous paraît difficile de comprendre pourquoi l’approche minutieuse, méthodique et basée sur la recherche appliquée pour des sujets d’importance pour la protection des investisseurs a été abandonnée pour le financement participatif et pour d’autres initiatives touchant le marché dispensé. La capacité de réaction du système réglementaire devrait être orientée vers les problèmes touchant la protection des investisseurs.

1.7. Vu le caractère expérimental de la réglementation sur le financement participatif, si les Autorités canadiennes de réglementation en valeurs mobilières décident d’introduire la dispense de financement participatif, nous demandons avec empressement qu’elle soit assortie d’une clause de temporisation de deux ans.

1.8. Certains commentaires, motifs ou explications à l’appui de certaines dispositions nous ont semblé peu clairs ou étaient même inexistants. La période de consultation n’a pas laissé assez de temps pour une discussion approfondie (notamment pour des tables rondes) traitant des conséquences de certaines dispositions proposées.

1.9. FAIR Canada craint que les Autorités de réglementation en valeurs mobilières (et les autorités de réglementation dans le monde entier) ne soient pas en mesure de réglementer le financement participatif. Internet ignore les frontières juridictionnelles. L’introduction d’une dispense de financement participatif signifiera, pour les investisseurs canadiens, que le placement en ligne dans une jeune entreprise inconnue est une
occasion de placement légitime.

1.10. Il est généralement reconnu que beaucoup d’investisseurs (sinon la plupart d’entre eux) perdront de l’argent en investissant dans un financement participatif. Il n’est pas certain que les avantages supposés du financement participatif couvriront les coûts qui lui sont associés. Les avantages économiques du financement participatif n’ont pas été prouvés.

1.11. Ainsi, FAIR Canada soutient qu’il incombe aux autorités de réglementation des valeurs mobilières qui ont l’intention d’introduire cette dispense de s’assurer que les investisseurs jouiront du degré de protection le plus élevé possible. C’est là le meilleur moyen de servir les intérêts à la fois des investisseurs et des émetteurs.

1.12. FAIR Canada craint que les limites de placement autorisé n’aient qu’un effet limité dans la réduction du risque d’abus et de fraude. Nous pensons également que, pour les placements légitimes, les limites d’investissement sont nécessaires pour réduire les pertes.

1.13. L’argument sous-jacent en faveur de l’introduction du financement participatif est que les PME pourront constituer leur capital en obtenant de petites sommes d’un grand nombre de personnes. Nous avons recommandé que les autres territoires canadiens abaissent la limite par investisseur individuel à 500 $ ou moins par investissement et 5 000 $ au total dans le cadre de la dispense de financement participatif. Les montants proposés actuellement ne sont pas des montants négligeables pour la plupart des épargnants. Nous recommandons que la Colombie-Britannique limite le montant total qu’un investisseur est autorisé à investir en vertu de la dispense pour les entreprises en démarrage à un total de 2 000 $ par année civile et de 250 $ par offre.

1.14. FAIR Canada s’inquiète de constater qu’aucun mécanisme approprié n’a été mis en place pour assurer le respect des limites d’investissement par investisseur ou de la limite du placement. FAIR Canada recommande le recours à une base de données centralisée pour vérifier les montants des investissements totaux, au lieu de l’auto-certification.

1.15. FAIR Canada relève que, bien que la convenance soit une exigence minimale (nous pensons qu’une norme visant à privilégier les intérêts du client est nécessaire), les investisseurs pourraient bénéficier d’un certain type de conseil relativement aux offres de financement participatif. Ils seraient ainsi mieux protégés qu’avec les limites arbitraires d’investissement proposées, car il serait possible de s’assurer que les investissements en financement participatif ne représentent pas une proportion trop importante du portefeuille d’un investisseur. Nous recommandons que les autorités de réglementation examinent s’il est opportun d’ajouter une obligation de vérification de la convenance à la dispense en vue de protéger les investisseurs et à la lumière des études qui font état d’une demande dans ce sens.

1.16. À la lumière de recherches universitaires, FAIR Canada s’interroge sur « la sagesse collective » et craint que les investisseurs intéressés par le financement participatif ne soient pas en mesure d’évaluer correctement une offre de financement participatif, ne se laissent influencer par l’effet de masse et succombent à des achats impulsifs.

1.17. FAIR Canada craint que beaucoup d’investisseurs ne comprennent pas les contraintes liées à la liquidité des investissements participatifs et soient exclus de tout bénéfice s’il advenait, chose rare, qu’ils aient investi dans une bonne offre de financement participatif. Nous recommandons que des protections de base soient imposées, notamment un droit de sortie conjointe et un droit de préemption.

1.18. Il est essentiel que la publicité et le marketing soient limités au portail inscrit afin que les autorités de réglementation soient en mesure de surveiller et de contrôler les publicités du portail. Nous nous attendons à ce que de nombreux problèmes relatifs à la convenance découlent des publicités et des initiatives de sollicitation, mais nous considérons qu’il s’agit d’un élément essentiel à la protection des investisseurs dans le cadre de la proposition de dispense de financement participatif. FAIR Canada s’inquiète des effets que peuvent avoir les dispositions générales en matière de publicité et de sollicitation mises en place par d’autres territoires et c’est pourquoi nous avons formulé des recommandations particulières à cet égard dans les commentaires adressés aux autorités de réglementation
compétentes. FAIR Canada recommande à la Colombie-Britannique de limiter la publicité et le marketing faisant la promotion des dispenses de prospectus pour financement participatif (pour les jeunes entreprises en démarrage et les autres).

1.19. FAIR Canada a interrogé plusieurs autorités de réglementation sur les recherches qu’elles avaient effectuées en matière de formulaires de reconnaissance de risque et en a conclu que, malgré leur utilisation généralisée, les autorités de réglementation n’avaient pas mené de recherches sur l’utilisation par les investisseurs, leur compréhension, l’utilité ou la formulation appropriée des documents mettant en garde contre les risques courus. Nous recommandons que les autorités de réglementation testent le formulaire de reconnaissance du risque sur des investisseurs avant d’introduire la proposition de toute dispense de financement participatif, afin de s’assurer que le but visé sera atteint.

1.20. Nous suggérons également que tous les portails répondent à des exigences minimales en matière d’avertissements sur les risques aux investisseurs avant la vente. Nous recommandons aussi qu’il soit imposé aux portails d’offrir un test de connaissances interactif que les investisseurs devront réussir pour pouvoir consulter les offres. Les autorités de réglementation devraient définir un niveau minimal de connaissances et de compréhension auquel les investisseurs devront satisfaire avant d’être autorisés à consulter les offres.

1.21. Il est fondamental qu’un émetteur ne puisse pas (directement ou indirectement) verser des commissions, des honoraires d’intermédiation, des commissions de recommandation ou des paiements similaires à quiconque en lien avec une offre frappée de dispense, à l’exclusion du portail. Nous recommandons que la BCSC introduise une restriction de ce genre pour toute dispense de financement participatif qu’elle pourrait autoriser.

1.22. FAIR Canada recommande qu’il soit interdit de mobiliser des capitaux en utilisant d’autres dispenses en période de placement du financement participatif. Nous suggérons également qu’il y ait un délai de réflexion entre les émissions réalisées en vertu de différentes dispenses de prospectus.

1.23. FAIR Canada recommande que le droit d’action en cas de déclaration fausse ou trompeuse soit garanti contre les émetteurs, les équipes de direction, les administrateurs et les portails. Nous recommandons également que le document d’offre pour financement participatif intègre par renvoi d’autres documents et marketing d’information continue (pour les émetteurs assujettis), et que le délai de prescription soit de deux ans à compter de la date à laquelle la demande a été recevable.

1.24. FAIR Canada suggère également que les émetteurs qui utilisent la dispense de financement participatif soient dans l’obligation de vérifier les niveaux d’emploi et le développement d’innovations et qu’ils les déclarent aux autorités de réglementation des valeurs mobilières.

1.25. FAIR Canada est d’avis que les portails de financement participatif devraient être dans l’obligation d’adhérer à un organisme d’autoréglementation (« OAR »).

1.26. FAIR Canada soutient les exigences proposées dans d’autres territoires pour les portails de financement participatif en matière de contrôle diligent. Il est essentiel que les portails soient tenus de réaliser des vérifications d’antécédents des émetteurs, de leurs administrateurs, de leur haute direction, des personnes participant au contrôle de l’émetteur et des promoteurs. Il est également essentiel qu’un contrôle diligent soit effectué pour les activités de l’émetteur.

1.27. FAIR Canada recommande que les portails de financement aient des obligations en ce qui concerne les plaintes des investisseurs, notamment qu’ils soient tenus d’adhérer à l’Ombudsman des services bancaires et d’investissement. Les portails devraient être obligés d’avoir un processus formalisé pour recevoir les plaintes et en faire le suivi.

1.28. FAIR Canada suggère que les portails de financement aient l’obligation de dénoncer les éventuelles fraudes à la police et aux autorités de réglementation des valeurs mobilières et avisent les investisseurs sur le portail de manière appropriée.

1.29. De plus, nous proposons que les portails soient dans l’obligation d’être transparents quant au capital mobilisé, au taux de succès, aux cas de fraudes, etc. Nous craignons que les rares entreprises florissantes attirent de façon considérable l’attention et pensons que des informations complètes sur le taux d’échec et le montant des pertes des investisseurs doivent également être communiquées aux autorités de réglementation compétentes et rendues publiques.
Nous vous remercions de nous avoir donné l’occasion de présenter nos commentaires et nos opinions dans ce mémoire. Nous acceptons volontiers la publication de ce dernier et serions heureux d’en approfondir le contenu avec vous au moment qui vous conviendra. N’hésitez pas à contacter Neil Gross (416 214-3408, neil.gross@faircanada.ca) ou Lindsay Speed (416 214-3442, lindsay.speed@faircanada.ca).

Meilleures salutations,
Fondation canadienne pour l’avancement des droits des investisseurs

1 BC Notice 2014/03.