La Commission des valeurs mobilières de l’Ontario (CVMO) a fait un pas de plus vers la mise en œuvre de son programme de dénonciation en Ontario en diffusant aux fins de commentaires la politique proposée de la CVMO 15-601 – Programme de dénonciation (la « politique proposée sur la dénonciation »). FAIR Canada estime qu’un programme de dénonciation bien conçu aidera à combattre la fraude et les autres actes répréhensibles et, par conséquent, incite la CVMO à aller de l’avant. Toutefois, la politique proposée sur la dénonciation devrait être révisée pour préciser l’admissibilité du dénonciateur à une compensation financière. En effet, la politique actuelle est inutilement vague à ce sujet, de sorte que les dénonciateurs potentiels pourraient conclure qu’il n’en vaut pas la peine de divulguer des renseignements à la CVMO. La politique proposée sur la dénonciation devrait aussi être révisée en ce qui concerne la question du financement du programme, devrait tenir compte de la réalité des ordonnances de sanction en Ontario et le seuil devrait être ramené à 750 000 $. Il faudrait aussi prévoir des récompenses pour les dénonciateurs lorsque la CVMO entame une poursuite quasi-criminelle ou criminelle contre un malfaiteur.



PDF ici

12 janvier 2016

 

Secrétaire
Commission des valeurs mobilières de l’Ontario
20, rue Queen Ouest
22e étage
Toronto (Ontario)  M5H 3S8
Envoyé par courriel à l’adresse : comments@osc.gov.on.ca

Objet : Avis de la CVMO et demande de commentaires sur la politique proposée de la CVMO 15-601 – Programme de dénonciation

FAIR Canada a le plaisir de faire part de ses commentaires à la Commission des valeurs mobilières de l’Ontario (CVMO) au sujet de son programme de dénonciation énoncé dans la politique proposée de la CVMO 15-601 (la « politique proposée ») et son avis à ce sujet daté du 28 octobre 2015 (l’« avis »).

FAIR Canada est un organisme sans but lucratif national de défense des épargnants. En tant que voix nationale pour les investisseurs, FAIR Canada s’est engagée à promouvoir une meilleure protection pour les investisseurs en matière de réglementation des valeurs mobilières. Consultez le site faircanada.ca pour obtenir de plus amples renseignements.

1. Résumé

1.1.        FAIR Canada félicite la CVMO d’avoir mis en place un programme de dénonciation. Un programme de ce type, conçu de façon appropriée, contribuera à la lutte contre la fraude et les autres actes répréhensibles, aidant ainsi la CVMO à accomplir son mandat qui consiste à protéger les investisseurs et à favoriser des marchés justes et efficaces de même que la confiance à l’égard de ces marchés. Un tel programme aidera la CVMO à découvrir tôt les actes répréhensibles et à y mettre un terme rapidement de façon à réduire au minimum les pertes des investisseurs.

1.2.        FAIR Canada croit que la politique proposée (avec les modifications recommandées suggérées ci-dessous) devrait être mise en place rapidement, mais que les modifications législatives nécessaires devraient être demandées immédiatement pour que tous les éléments requis d’un programme de dénonciation efficace (confidentialité pour le dénonciateur, dispositions de prévention des représailles et compensation financière) aient plein effet légal. Si le programme de dénonciation est une politique qui définit les attentes, mais qui ne fournit pas de droits légaux ni de recours aux dénonciateurs potentiels et qui n’impose pas d’obligations juridiques aux participants aux marchés des capitaux, le programme de dénonciation de l’Ontario n’aura pas l’impact qu’il aurait pu avoir autrement.

1.3.        FAIR Canada croit que la politique proposée doit être révisée pour que ses dispositions offrent de meilleures garanties concernant l’admissibilité des dénonciateurs à recevoir une compensation financière. De possibles changements pouvant permettre de parvenir à ce résultat sont décrits plus en détail dans les sections 2.10 à 2.12 ci-dessous. Comparativement au programme de dénonciation de la Securities and Exchange Commission (SEC), la politique n’est pas assez directe, est trop hermétique et présente des normes possiblement trop strictes. Nous nous inquiétons du fait que plusieurs éléments découlant de la version préliminaire de la politique proposée entraînent une incertitude inutile sur le droit des dénonciateurs à recevoir une compensation. Cela pourrait pousser certains dénonciateurs à conclure qu’il ne vaut pas la peine de s’exposer à des risques et ne pas inciter suffisamment les participants au marché à établir et à maintenir des procédures et des politiques rigoureuses en matière de conformité, une gouvernance adéquate et des procédures de vérification internes efficaces.

1.4.        Financement du programme – L’avis de la CVMO et la politique proposée ne disent rien sur la provenance des fonds permettant de payer les dénonciateurs. Nous avons besoin de transparence par rapport au montant et à la source du financement du programme. Afin de garantir la réussite du programme, il est nécessaire de divulguer publiquement le financement nécessaire à la compensation des dénonciateurs et au fonctionnement du programme. De plus, la Commission devrait envisager, dans le but de déterminer le montant compensatoire à verser à un dénonciateur, d’ajouter à ses critères une disposition qui empêche la Commission de prendre en considération le solde de ses fonds désignés ou toute autre source de fond qu’elle détermine[1].

1.5.        Compensation financière – FAIR Canada soutient les révisions faites au calcul de la récompense financière pour permettre une compensation pouvant aller au-delà de 1 500 000 $ si le montant des sanctions perçues ou des paiements volontaires est d’au moins 10 000 000 $; FAIR Canada estime cependant toujours que le seuil est trop élevé et que le pourcentage est trop bas. Consulter les sections 2.1 à 2.3 ci-dessous pour obtenir plus de détails à ce sujet.

1.6.        Poursuites où une compensation est justifiée – FAIR Canada croit que les dénonciateurs doivent recevoir une compensation dans les circonstances où il y a non seulement sanction pécuniaire ou versement volontaire d’une somme de 1 000 000 $ ou plus, mais aussi lorsque des membres du personnel de la Commission décident d’effectuer une poursuite, étant donné la gravité de l’acte répréhensible, criminelle ou quasi-criminelle contre les malfaiteurs; le résultat de l’application devient ainsi la prison plutôt qu’une sanction pécuniaire. La politique proposée doit être modifiée pour tenir compte des différences entre nos processus d’application et ceux des États-Unis dans le but de faire avancer ses objectifs fondamentaux. De plus, nous croyons que la Commission doit avoir la possibilité, à sa discrétion, d’offrir une récompense financière à un dénonciateur lorsqu’il y a interruption de la négociation ou suspension d’un cadre ou d’un directeur d’une société pour une période de 10 ans ou plus ou un bannissement à vie, même en l’absence d’amende pécuniaire atteignant 1 000 000 $.

1.7.        Actions connexes – FAIR Canada croit que la politique proposée devrait indiquer qu’une récompense sera également offerte en fonction des montants remis (ou recueillis) ou des résultats atteints relativement aux actions connexes, et devrait définir ces dernières pour qu’elles comprennent notamment les poursuites criminelles instituées par la Gendarmerie royale du Canada, les poursuites criminelles instituées par la Police provinciale de l’Ontario, les organismes d’autoréglementation (Organisme canadien de réglementation du commerce des valeurs mobilières et Association canadienne des courtiers de fonds mutuels) et d’autres démarches réglementaires.

2. Commentaires sur la politique proposée

Compensations financières aux dénonciateurs

2.1         Seuil – FAIR Canada continue de croire que le seuil de 1 000 000 $ en sanctions afin d’être admissible à une compensation (récompense) est trop élevé, et qu’à la lumière des montants relatifs remis en Ontario comparativement à ceux de la SEC, un seuil de 750 000 $ serait plus approprié[2].

2.2. Pourcentage accordé – Le pourcentage réel accordé se situe entre 5 et 15 % du montant des sanctions imposées, tandis que celui du programme de dénonciation de la SEC se situe entre 10 et 30 % des sanctions pécuniaires que la Commission et les autres autorités peuvent collecter. FAIR Canada estime que les dénonciateurs au Canada doivent recevoir une compensation dont le niveau soit identique à celui des dénonciateurs admissibles en vertu du programme de dénonciation de la SEC, en particulier à la lumière des montants punitifs qui ont tendance à être accordés au Canada et du plafond du montant total pouvant être accordé. En outre, un pourcentage plus élevé permettrait les cas où plus d’un dénonciateur admissible se présente à la police et dont tous doivent être récompensés pour leurs efforts[3].

2.3. Plafond variable – Nous soutenons la politique proposée qui permet à un dénonciateur de recevoir une compensation ou une récompense supérieure au plafond de 1 500 000 $ dans les situations où 10 millions de dollars ou plus en sanctions pécuniaires ou versements volontaires sont récupérés. Cette proposition est préférable à un plafond fixe de 1 500 000 $. FAIR Canada précise ce qui suit par rapport à cette structure de versement double :

(i)    Elle offre un mécanisme pour verser une compensation suffisante aux dénonciateurs occupant des postes clés qui ont une connaissance approfondie et détaillée de l’acte répréhensible. Pour ces personnes, un plafond fixe de 1 500 000 $ sera un obstacle, parce que cela ne les dédommage pas suffisamment pour les gains futurs substantiels auxquels ils renonceront en faisant une dénonciation et en mettant leur carrière à risque.

(ii)   Elle offre la possibilité de taux de collecte améliorés. Les dénonciateurs sauront qu’ils peuvent obtenir une compensation plus élevée si de grandes sommes sont récupérées; par conséquent, ils seront motivés à dénoncer les violations majeures et à donner des renseignements sur l’emplacement des actifs. Ensuite, les membres du personnel d’application de la CVMO pourraient entamer des procédures d’application de la loi impliquant des questions qui, par le passé, ont été trop difficiles à aborder, tant sur le plan de la substance que du point de vue de la récupération.

(iii) Il est plus probable que lesdits versements aient lieu par l’intermédiaire de règlements volontaires. Remarquez que les amendes aux termes du paragraphe 127(9) de la Loi sur les valeurs mobilières de l’Ontario sont limitées à 1 000 000 $ et que les dispositions des infractions générales aux termes de l’article 122 permettent une amende d’un montant maximum de 5 millions de dollars. En revanche, les règlements volontaires peuvent être supérieurs à ces montants. Par exemple, le récent règlement avec Ernst & Young portant sur l’affaire Sino-Forest et Zungui Haixi Corporation s’est élevé à 8 000 000 $[4]. Bien que ce montant ne soit pas supérieur au seuil de 10 000 000 $, il est possible qu’un règlement volontaire subséquent puisse l’être, surtout s’il est combiné à une autre procédure connexe.

Les poursuites où une compensation est justifiée

2.4. FAIR Canada croit que les dénonciateurs doivent recevoir une compensation dans les circonstances où il y a non seulement sanction pécuniaire ou versement volontaire d’une somme de 1 000 000 $ ou plus, mais aussi lorsque des membres du personnel de la Commission décident d’effectuer une poursuite, étant donné la gravité de l’acte répréhensible, criminelle ou quasi-criminelle contre les malfaiteurs; le résultat de l’application devient ainsi la prison plutôt qu’une sanction pécuniaire. De plus, nous croyons que la Commission doit avoir la possibilité, à sa discrétion, d’offrir une récompense financière à un dénonciateur lorsqu’il y a interruption de la négociation ou suspension d’un cadre ou d’un directeur d’une société pour une période de 10 ans ou plus ou un bannissement à vie, même en l’absence d’amende pécuniaire atteignant 1 000 000 $. La politique proposée doit tenir compte des différences entre nos processus d’application et ceux des États-Unis dans le but de faire avancer ses objectifs fondamentaux. Selon nous, il existe une différence réelle entre les processus d’application de l’Ontario et ceux de la SEC à cet égard, cette dernière ayant, à quelques reprises, plusieurs poursuites assorties d’une poursuite administrative, contre le ou les malfaiteurs, susceptible d’entraîner des sanctions pécuniaires ainsi que des poursuites criminelles parallèles (qui, en plus d’une possible incarcération, prévoient aussi des sanctions pécuniaires)[5]. Selon nous, en Ontario (et dans d’autres territoires de compétence au Canada), les membres du personnel responsables de l’application déterminent s’ils entament une poursuite administrative ou une poursuite criminelle ou quasi-criminelle; toutefois, les poursuites parallèles sont rares, et les poursuites parallèles où les deux poursuites entraînent des amendes sont presque inexistantes. Plus particulièrement, nous ne connaissons pas de poursuite criminelle au Canada où des sanctions pécuniaires substantielles ont été données. Par conséquent, il faut adapter la politique proposée pour qu’elle tienne compte de ces différences.

2.5. L’objectif sous-jacent de la politique proposée est la dissuasion et la détection des mauvaises conduites, et plus particulièrement des cas les plus graves, que la Commission souhaite détecter et dissuader en encourageant les personnes à faire leur dénonciation en présentant des renseignements inédits. Une compensation financière doit être disponible pour les actes répréhensibles les plus graves. C’est pourquoi, si une personne fait une dénonciation en donnant des renseignements originaux par rapport à l’acte répréhensible et que les membres du personnel responsables de l’application de la loi décident d’entamer une poursuite quasi-criminelle ou de remettre les renseignements à la Gendarmerie royale du Canada et, par conséquent, d’entamer une poursuite criminelle, le dénonciateur ne doit pas être inadmissible à une compensation financière.

Financement du programme de dénonciation

2.6. Comme nous l’avons observé dans notre réponse au document consultatif des membres du personnel de la CVMO, aux États-Unis, la loi Dodd-Frank a créé l’Investor Protection Fund (le « Fonds ») et a y transféré la somme de 450 000 000 $ dans le but de financer le programme de dénonciation et de s’assurer que les versements effectués aux dénonciateurs ne réduira pas le recouvrement destiné aux victimes des infractions liées aux valeurs mobilières[6]. Par suite de la création de ce Fonds substantiel, les participants au marché des capitaux et les dénonciateurs potentiels savent que les fonds seront disponibles pour permettre la remise d’une récompense en argent aux dénonciateurs une fois qu’ils ont satisfait aux critères d’admissibilité nécessaires.

2.7. La politique proposée par la CVMO ne dépend pas des sommes récupérées (du moins, lorsque le montant de la sanction est inférieur à 10 000 000 $). L’avis de la CVMO et la politique proposée ne disent rien sur la provenance des fonds permettant de payer les dénonciateurs. Nous avons besoin de transparence par rapport au montant et à la source du financement du programme. Pour assurer sa réussite, le programme doit disposer des fonds nécessaires pour compenser les dénonciateurs et assurer son fonctionnement, et tous les participants au marché doivent savoir clairement que ces fonds sont disponibles. De plus, la Commission doit envisager d’ajouter une disposition visant la détermination du montant de la récompense lui interdisant de considérer le solde de ses fonds désignés (ou d’une autre source de financement qu’elle détermine) dans le but de favoriser la confiance au programme et d’éviter toute apparence de conflit d’intérêts.

Les obligations de confidentialité du dénonciateur

2.8. La disposition de confidentialité de l’article 9 ne dit pas qu’il faut empêcher que le dénonciateur soit révélé au public, mais plutôt qu’il faut protéger la confidentialité de tous les renseignements divulgués par le dénonciateur et du fait qu’il est possible que la CVMO mène une enquête. FAIR Canada demande à la CVMO de réfléchir à la question suivante : Cette disposition empêche-t-elle, dans certains cas, un dénonciateur d’aider la CVMO?

2.9. Il est possible, dans certains cas, qu’il soit nécessaire d’encourager des personnes qui ne participeraient pas à l’enquête dans d’autres circonstances à aider les membres du personnel de la Commission; toutefois, à cette fin, le dénonciateur pourrait devoir fournir à ces personnes des renseignements que le dénonciateur a divulgués aux membres du personnel de la CVMO. La politique proposée envisage la possibilité que le fait d’encourager d’autres personnes à faire une dénonciation soit un facteur susceptible d’augmenter le montant de la récompense – par exemple, « le degré d’aide fourni par le dénonciateur aux membres du personnel de la Commission, y compris : […] (ii) à savoir si le dénonciateur a encouragé ou autorisé d’autres personnes, dans la mesure de ce qui est approprié, qui n’auraient peut-être pas participé à l’enquête en temps normal pour aider les membres du personnel de la Commission »[7]. Par conséquent, FAIR Canada recommande que cette disposition soit modifiée pour déclarer que la Commission pourrait exiger que le dénonciateur accepte une entente de confidentialité sous une forme acceptable pour la Commission, qui protège la confidentialité de toute information qui n’est pas publique, et dont la violation pourrait rendre le dénonciateur inadmissible à une récompense.

Modifications recommandées pour améliorer la confiance accordée à la politique proposée

2.10. Aux États-Unis, le programme de dénonciation Dodd-Frank prévoit que pour toute mesure judiciaire ou administrative couverte ou toute autre action connexe, la Commission accordera une récompense à un ou plusieurs des dénonciateurs qui fournissent volontairement des renseignements originaux qui mènent à la réussite, par la Commission, d’une poursuite en justice ou d’une mesure administrative ou de toute autre action connexe pour laquelle la Commission obtient des sanctions pécuniaires totalisant plus de 1 000 000 $. L’établissement du montant de la récompense (compris entre 10 et 30 %) demeure à la discrétion de la Commission[8]. En revanche, la politique proposée à l’article 14 prévoit ce qui suit :

(1) « La Commission s’attend à ce que les renseignements qui seront admissibles à une récompense pour un dénonciateur dans le cadre du programme soient liés à une grave violation de la législation en valeurs mobilières de l’Ontario et se composera

(a) de renseignements originaux;

(b) de renseignements qui ont été fournis volontairement;

(c) de renseignements de haute qualité et contenant suffisamment de faits pertinents, précis et crédibles concernant la violation présumée de la législation en valeurs mobilières de l’Ontario;

(d) d’une aide utile au personnel de la Commission lors de l’enquête sur la violation et pour l’atteinte d’un dénouement propice au versement d’une récompense.

(2) La Commission s’attend à ce que tous les critères énoncés au paragraphe (1) soient respectés avant de verser une récompense à un dénonciateur.

(3) Aucune récompense ne sera versée à un dénonciateur pour des renseignements que les membres du personnel de la Commission estiment être :

(a) faux ou trompeurs;

(b) hypothétiques ou manquant de spécificité;

(c) relevant du secret professionnel entre un avocat et son client;

(d) publiquement connus;

(e) non liés à une violation de la législation en valeurs mobilières de l’Ontario. »

2.11. FAIR Canada croit que la politique proposée ne pourra pas atteindre ses objectifs si le seuil d’admissibilité est trop élevé ou si un trop grand nombre de mises en garde sont réservées à l’exercice d’un pouvoir discrétionnaire dans le versement d’une récompense à un dénonciateur. Si une personne livre des renseignements originaux qui sont fournis volontairement et qui mènent à la réussite d’une mesure coercitive (et qui n’est pas autrement inadmissible comme déterminé par les paragraphes 15(1) et (2) de la politique proposée), pour lesquels il y a un paiement volontaire ou une sanction monétaire de 1 000 000 $ (ou une peine d’emprisonnement ou une suspension ou une interdiction importante tel que discuté ci-dessus), alors la Commission devrait être tenue de payer la compensation du dénonciateur. Il n’est pas nécessaire de continuer à qualifier tout cela de « violation grave » et de renseignements « de haute qualité et contenant suffisamment de faits pertinents, précis et crédibles concernant la violation présumée de la législation en valeurs mobilières » et « d’une aide utile » et d’avoir à respecter tous ces critères avant de verser la récompense. Toutes ces dernières exigences supplémentaires devraient permettre de déterminer le montant plutôt que de juger s’il y a lieu de verser une récompense. Pourquoi les renseignements devraient-ils être de « haute qualité » tant qu’il s’agit de renseignements originaux qui ont poussé le personnel à entamer un examen, à ouvrir ou à rouvrir une enquête, ou à se renseigner au sujet de différents comportements dans le cadre d’une enquête ou d’un examen en cours? Il est également inutile d’ajouter le paragraphe (3) compte tenu des autres articles de la politique proposée.

2.12. De même, l’article 5 de la politique proposée énonce le type d’aide que les membres du personnel de la Commission peuvent demander à un dénonciateur de fournir. Le type d’aide fourni devrait être l’un des facteurs qui influent sur le montant de la récompense plutôt que sur sa propre disposition autonome aussi longtemps que le dénonciateur a volontairement fourni des renseignements originaux qui ont mené à la réussite d’une mesure coercitive avec une sanction pécuniaire ou un paiement volontaire de 1 000 000 $ (et la personne n’est pas inadmissible). Par l’ajout de cette disposition, la politique proposée suggère que si le dénonciateur ne fournit pas le degré d’aide demandé par le personnel, alors il ou elle ne sera pas admissible à une récompense. Cette disposition est renforcée par l’article 14 puisqu’elle exige du dénonciateur qu’il fournisse « une aide utile au personnel de la Commission lors de l’enquête sur la violation et pour l’atteinte d’un dénouement propice au versement d’une récompense ».

La capacité d’une personne à choisir entre un signalement à l’interne ou à l’externe et les dispositions connexes

2.13. FAIR Canada appuie les convictions de la Commission arguant que les dénonciateurs ne devraient pas être tenus d’effectuer d’abord un signalement à l’interne. Toutefois, FAIR Canada ne croit pas que la politique proposée devrait indiquer, comme c’est le cas au paragraphe 16(1), que « [l]a Commission encourage les employés dénonciateurs à signaler les éventuelles violations à la législation en valeurs mobilières de l’Ontario dans le milieu de travail par l’intermédiaire d’un mécanisme de conformité et de signalement internes conformément aux protocoles de conformité et de signalement internes de leur employeur […] ». Cela n’est pas approprié.

2.14. De même, la politique proposée ne devrait pas poser comme postulat qu’il est approprié de ne pas d’abord signaler une violation à l’interne dans les situations où il y a « […] des circonstances atténuantes pour le dénonciateur qui pourraient autrement empêcher sa déclaration à un mécanisme de conformité et de production de rapports internes ». – De telles circonstances ne devraient pas être considérées comme « atténuantes » étant donné les répercussions auxquelles doivent trop souvent faire face les dénonciateurs lorsqu’ils signalent des actes répréhensibles à l’interne.

2.15. Le choix de d’abord signaler une violation à l’interne devrait être laissé à la discrétion du dénonciateur. Voici pourquoi :

(i) Les dénonciateurs s’exposent à de nombreux risques en signalant un possible acte répréhensible au sein de leur entreprise. Les risques comprennent l’obtention de mauvais rapports de rendement, les obstacles à l’avancement, le congédiement, la difficulté à trouver un autre emploi et des répercussions graves sur la santé et les relations familiales du dénonciateur. Nous ne devrions pas les obliger à prendre ces risques.

(ii) Nous découvrirons moins d’actes répréhensibles si les dénonciateurs doivent d’abord faire un signalement à l’interne. Les conséquences d’un signalement étant ce qu’elles sont, les dénonciateurs pèsent en général le pour et le contre d’un tel geste, et s’ils estiment que le coût est trop élevé, il y aura nécessairement moins de dénonciations et de nombreux actes répréhensibles se poursuivront.

(iii) L’analyse faite de la Sarbanes-Oxley Act aux États-Unis démontre que le signalement interne n’a pas conduit au déploiement d’efforts efficaces pour la prise en charge des actes répréhensibles ayant cours[9].

(iv) Autoriser les dénonciateurs à choisir entre un signalement interne ou externe, tout en les incitant à effectuer d’abord un signalement interne [comme le fait la politique proposée aux alinéas 24(2)f) et g) et comme le fait le programme de dénonciation Dodd-Frank de la SEC[10]] permettra d’améliorer les systèmes de signalement interne des entreprises, empêchant ainsi la divulgation de quantités importantes de renseignements à l’externe. Si les entreprises craignent que les dénonciateurs soient tentés de faire des signalements à l’externe, elles renforceront leurs systèmes internes afin de réduire les risques que cela se produise. De plus, les employés seront plus susceptibles d’effectuer un signalement à l’interne si les entreprises créent un environnement où ils ont l’impression qu’ils seront pris au sérieux, que leurs préoccupations seront entendues et qu’il n’y a pas de risque de représailles. En outre, compte tenu des mesures qui devraient être intégrées au programme de dénonciation de la CVMO pour inciter au signalement à l’interne, un moins grand nombre de renseignements seront divulgués à l’externe.

(v) FAIR Canada est d’accord avec la présidente de la SEC, Mary Shapiro, qui estime que les dénonciateurs devraient pouvoir choisir. De l’avis de Mme Shapiro, la recommandation finale atteint l’équilibre idéal, c’est-à-dire qu’elle encourage les dénonciateurs à choisir la voie du signalement à l’interne, s’il y a lieu, tout en leur offrant la possibilité de s’adresser à la SEC. Selon elle, cette recommandation est tout à fait logique puisque ce sont les dénonciateurs eux-mêmes qui sont les mieux placés pour déterminer la meilleure marche à suivre[11].

2.16. Par ailleurs, la politique proposée a déjà atteint l’équilibre idéal en limitant l’admissibilité à une récompense pour les dirigeants, les directeurs, les responsables de la conformité, ou pour toute autre personne occupant un poste équivalent, à moins qu’ils n’indiquent avoir procédé à un signalement auprès de leurs supérieurs en passant par le comité d’audit de l’entreprise, le chef du service juridique ou par toute autre personne compétente. De plus, une certaine période doit s’être écoulée (120 jours) et l’entreprise, bien qu’ayant connaissance de possibles violations des règles de sécurité, tarde à agir [paragraphe 15(2) de la politique proposée].

2.17. Les mesures incitatives à l’égard du signalement à l’interne d’abord (en augmentant le montant de la récompense lors d’un signalement à l’interne) et les critères d’admissibilités plus strictes imposées aux postes clés [paragraphe 15(2)] permettent d’établir l’équilibre idéal entre encourager les dénonciateurs à choisir la voie du signalement à l’interne s’il y a lieu, tout en leur offrant la possibilité de s’adresser à la CVMO. En conséquence, nous recommandons la suppression du paragraphe 16(1). À défaut, ce paragraphe devrait être révisé pour éviter de suggérer que les personnes doivent être aux prises avec des « circonstances atténuantes » les « empêchant » de recourir au mécanisme interne de signalement et de conformité.

2.18. Nous estimons que toute justification de la Commission concernant les dispositions de la politique proposée devrait se trouver dans la section commentaires, et non dans le texte de la politique proposée. FAIR Canada recommande que l’alinéa 15(2)c) soit révisé comme suit : « au moins 120 jours se sont écoulés depuis que le dénonciateur a fourni les renseignements au comité d’audit, au chef du service juridique, au responsable de la conformité (ou leurs équivalents fonctionnels) ou à son supérieur ou depuis que vous avez pris connaissance des renseignements, si des circonstances vous portent à croire que le comité d’audit de l’entreprise, le chef du service juridique, le responsable de la conformité (ou leurs équivalents) ou votre superviseur était déjà au fait de ces renseignements. » (Le texte en italique a été ajouté) Un dénonciateur ne devrait pas avoir à faire un signalement s’il sait que le comité d’audit, le chef du service juridique, le responsable de la conformité ou son superviseur sont déjà au courant. Le texte révisé reflète la disposition prise par la SEC.

2.19. FAIR Canada ne voit pas la nécessité d’utiliser le mot « généralement » [paragraphe 16(3)] dans la définition de la règle qui établit qui a été le premier à dénoncer un événement dans les cas où la personne ayant fait un signalement à l’interne aurait attendu 120 jours pour signaler l’infraction à la CVMO et que, dans l’intervalle, un autre dénonciateur aurait communiqué des renseignements concernant cette même infraction. L’utilisation du mot « généralement » crée de l’incertitude. Si la Commission a des motifs pour lesquels la règle ne devrait pas toujours s’appliquer, alors une liste d’exceptions devrait être établie.

2.20. En ce qui a trait à la question posée dans l’avis[12] quant à savoir si la période de 120 jours relative au délai du signalement à l’interne est appropriée, FAIR Canada ne voit pas pourquoi le temps alloué devrait être différent pour le Canada comparativement à celui des États-Unis. À notre connaissance, aucun problème important n’a surgi aux États-Unis de ce fait. Par conséquent, nous pensons que le temps alloué aux délais des signalements à l’interne est approprié.

Processus de récompense aux dénonciateurs

2.21. La Commission devrait informer le dénonciateur, ou son avocat-conseil, à l’occasion de sa décision provisoire, si la demande de récompense doit être autorisée ou refusée, et permettre au dénonciateur de répondre et de présenter des objections. La décision provisoire doit être fournie par écrit, motifs à l’appui, conformément à l’équité dans les mesures administratives. En outre, nous recommandons que les renseignements qui sont à l’origine de la décision de la récompense doivent être disponibles pour examen par le dénonciateur, sous réserve de censure et des obligations de confidentialité.

2.22. FAIR Canada est d’avis que la Commission devrait être tenue de publier le fait qu’une récompense pour dénonciation a été versée, mais convient que l’identité du dénonciateur ne devrait pas être divulguée au public sans le consentement de cette personne. Cela va à l’encontre de l’objectif sous-jacent de la politique proposée visant à ne pas divulguer les récompenses. Si l’obligation de reddition de compte des participants aux systèmes est renforcée, il serait plus facile d’améliorer la prévention, la détection et l’application de la loi. Il sera important que la CVMO puisse démontrer que le programme de dénonciation a amélioré la quantité et la qualité des signalements qu’elle reçoit en compilant et en déclarant le nombre de signalements et d’autres plaintes qu’elle reçoit actuellement, ainsi que ceux qu’elle recevra à l’avenir après la mise en œuvre du programme. La Commission doit publier un rapport annuel sur le programme de dénonciation, ou y consacrer une partie de son rapport d’activité annuel sur les mesures d’application.

2.23. FAIR Canada est d’avis que si toutes les conditions pour une récompense pour dénonciation sont remplies, la Commission devrait avoir le pouvoir discrétionnaire quant au montant de la récompense et peut tenir compte des facteurs énoncés dans la politique proposée aux paragraphes 24(2) et (3).

2.24. FAIR Canada est d’avis que le refus d’une récompense doit faire l’objet d’un appel ou être sujet à examen par la Cour de justice de l’Ontario dans les 30 jours d’une décision rendue par la Commission; toutefois, si une récompense est versée, le montant de la récompense ne devrait pas faire l’objet d’un appel ni être révisé. Accorder ou refuser une récompense implique l’application appropriée des critères d’admissibilité qu’un tribunal devrait être en mesure d’examiner, mais le montant de la récompense devrait normalement être à la discrétion de la Commission.

3. Conclusion

En conclusion, FAIR Canada appuie fermement la mise en œuvre d’un programme de dénonciation par la CVMO et insiste pour que cette dernière tienne compte des recommandations formulées ci-dessus pour renforcer la politique proposée.

Nous vous remercions de nous avoir donné la possibilité de formuler, par la présente, nos commentaires et nos points de vue. Nous acceptons que ce document soit rendu public, et nous serions heureux d’en discuter avec vous à votre convenance. N’hésitez pas à communiquer avec Neil Gross au 416-214-3408 (neil.gross@faircanada.ca) ou avec Marian Passmore au 416-214-3441 (marian.passmore@faircanada.ca).

Veuillez agréer l’expression de nos sentiments distingués.

Fondation canadienne pour l’avancement des droits des investisseurs

[1] Consulter l’article 21Fh)(1) de la Loi de 1934 sur les opérations de bourse, 15 U.S.C. 78u-6h)(1) aux États-Unis qui l’énonce clairement, à l’adresse https://www.law.cornell.edu/uscode/text/15/78u-6#h_1.

[2] Consultez notre soumission à la CVMO datée du 4 mai 2015, accessible en ligne à l’adresse https://faircanada.ca/wp-content/uploads/2009/03/140620-OSC-re-Prospectus-exemptions_F.pdf.

[3] Voir l’exemple cité dans le 2014 Annual Report to Congress on the Dodd-Frank Whistleblower Program, aux pages 11 et 12, disponible en ligne à l’adresse http://www.sec.gov/about/offices/owb/annual-report-2014.pdf, qui indique que la SEC a remis à trois dénonciateurs, collectivement, 30 % des sommes récupérées dans le cadre d’une action de la SEC, au cours de laquelle les dénonciateurs ont fourni des renseignements et ont continué à aider la Commission et à collaborer avec elle, et une autre situation où deux dénonciateurs se sont partagé une récompense de 875 000 $.

[4] L’ordonnance est disponible en ligne à l’adresse à https://www.osc.gov.on.ca/en/SecuritiesLaw_ord_20140802_227_ernst-young-zungui-haixi.htm (en anglais uniquement).

[5] À la page 17 du 2014 Annual Report to Congress on the Dodd-Frank Whistleblower Program, il est question d’actions connexes pour lesquelles une personne pourrait être admissible à une récompense, en plus des résultats positifs de l’action de la SEC; cela concerne plus particulièrement les poursuites criminelles parallèles. « Six des personnes ayant touché une récompense ont reçu des versements en partie tirés des sommes récupérées lors d’autres actions. »

[6] Voir le 2014 Annual Report to Congress on the Dodd-Frank Whistleblower Program, à la page 4.

[7] Il s’agit ici d’une circonstance définie dans la politique proposée comme un facteur qui peut augmenter le montant de la récompense d’un dénonciateur. Voir la politique proposée au sous-alinéa 24(2)c)(ii).

[8] Voir l’alinéa 21Fh)(1) de la Loi de 1934 sur les opérations de bourse, 15 U.S.C. 78U-6h)(1) et l’article 240.21F-3 – Paiement des récompenses.

[9]Richard Moberly, « Sarbanes-Oxley’s Whistleblower Provisions: Ten Years Later », 64 South Carolina Law Review 1, 2012, pages 4, 47, 49 et 50 de 54. Aux pages 49 et 50, Richard Moberly explique que le signalement interne amène rarement une entreprise à prendre efficacement en charge le problème puisque, la plupart du temps, les dénonciateurs s’adressent à leur superviseur, lequel peut faire obstruction au processus ou filtrer les renseignements.

[10] Tel qu’il a été mentionné dans le communiqué de presse de la SEC, intitulé « SEC Adopts Rules to Establish Whistleblower Program » (25 mai 2011; accessible en ligne à l’adresse : http://www.sec.gov/news/press/2011/2011-116.htm), les règles finales prévoient des mesures incitatives pour encourager les employés à recourir aux systèmes de conformité interne propres à leurs entreprises (sans toutefois l’exiger). Ces mesures comprennent, par exemple :

  • rendre un dénonciateur admissible à une récompense si celui-ci effectue un signalement à l’interne et que l’entreprise fait part des infractions commises à la SEC;
  • traiter un employé comme un dénonciateur, au titre du programme de la SEC, dès le moment où il effectue le signalement à l’interne – à condition que l’employé fournisse les mêmes renseignements à la SEC dans un délai de 120 jours. Cette disposition permet aux employés de communiquer d’abord les renseignements dont ils disposent à l’interne, tout en préservant leur admissibilité à une possible récompense de la SEC;
  • faire en sorte que le recours volontaire d’un dénonciateur au système interne de signalement et de conformité d’une entreprise soit un facteur pouvant faire augmenter le montant de la prime et que, à l’inverse, l’ingérence d’un dénonciateur dans le système interne de signalement et de conformité puisse entraîner une diminution du montant versé.

Voir également le long débat sur les mesures incitatives à l’égard du signalement à l’interne par la SEC dans les règles finales, aux pages 228 à 237.

[11]Mary L. Schapiro, « Whistleblower Program » (discours d’ouverture de l’assemblée publique de la SEC, US Securities and Exchange Commission, Washington D.C., 25 mai 2011). Accessible en ligne à l’adresse : https://www.sec.gov/news/speech/2011/spch052511mls-item2.htm.

[12] Avis de la CVMO et demande de commentaires sur la politique proposée de la CVMO 15-601 – Programme de dénonciateur, à la page 9.