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Le 27 août 2010

Sherry Tabesh-Ndreka
Avocate aux politiques
Organisme canadien de réglementation du commerce des valeurs mobilières
121, rue King Ouest, bureau 1600
Toronto (Ontario) M5H 3T9
stabesh@iiroc.ca

Directeur, Réglementation des marchés
Commission des valeurs mobilières de l’Ontario 20, rue Queen Ouest
19e étage, boîte 55
Toronto (Ontario) M5H 3S8
marketregulation@osc.gov.on.ca

Objet : Appel à commentaires du 28 mai 2010 de l’Organisme canadien de réglementation du commerce des valeurs mobilières (OCRCVM) – Projet de règle sur les opérations financières personnelles et Projet de modifications visant les activités commerciales externes

La Fondation canadienne pour l’avancement des droits des investisseurs (FAIR Canada) est heureuse de vous présenter ses commentaires sur le Projet de règle sur les opérations financières personnelles et Projet de modifications visant les activités commerciales externes, consistant en des modifications de l’article 14 de la Règle 18 des courtiers membres de l’OCRCVM et un projet de règle sur les opérations financières personnelles (conjointement appelés « les modifications proposées »). Nous vous sommes reconnaissants de nous donner la possibilité de présenter ces commentaires.

FAIR Canada est un organisme sans but lucratif indépendant voué à représenter les intérêts des investisseurs canadiens dans la réglementation des valeurs mobilières. La Fondation a pour mission de donner une voix nationale aux investisseurs en matière de réglementation du secteur des valeurs mobilières et d’être un catalyseur pour l’avancement des droits des investisseurs canadiens.

FAIR Canada félicite l’OCRCVM pour cette initiative concernant la réglementation des courtiers membres. Nous pensons qu’il s’agit d’une initiative importante et utile arrivant à point nommé, qui représente un pas important pour réduire le risque de conflits d’intérêts des courtiers membres et qui améliorera le professionnalisme des conseillers en placement et des courtiers. Nous estimons que, dans l’ensemble, les modifications proposent un équilibre raisonnable entre l’intérêt public et les intérêts des courtiers membres.

Nos commentaires portent sur cinq aspects et se résument comme suit :

1. FAIR Canada appuie globalement les modifications proposées, qui visent à interdire expressément les opérations financières personnelles avec des clients.
2. FAIR Canada ne s’objecte pas à l’élimination proposée de la condition de « région éloignée ».
3. FAIR Canada appuie la codification proposée de l’avis RM0434.
4. FAIR Canada appuie l’adoption de la règle sur les opérations financières personnelles.
5. Les recommandations et les règles proposées sur les fondés de pouvoir ne protègent pas suffisamment les intérêts de certains clients.

1. FAIR Canada appuie les modifications interdisant les opérations financières personnelles avec des clients

Les modifications proposées ont pour objet central des mises à jour des règles actuelles qui interdiront expressément les opérations financières personnelles avec des clients des courtiers membres, problématiques dans le contexte de la relation client-conseiller. FAIR Canada défend depuis un an l’adoption d’une obligation des courtiers et de leurs représentants inscrits de faire passer les intérêts des clients en premier. Nous voyons ces modifications proposées comme un pas vers une telle norme.

2. La condition de la « région éloignée »

Nous croyons comprendre que le personnel de l’OCRCVM propose d’éliminer la condition de la « région éloignée » prévue à l’article 14 de la Règle 18 des courtiers membres (sous-alinéa (1)(a)(i)). Comme l’Avis sur les règles précise qu’aucun représentant ne se prévaut actuellement de cette condition/dispense et que les inscrits concernés pourront continuer de se prévaloir d’autres conditions prévues à l’article 14, il semble que la suppression de cette exception ne serait pas préjudiciable aux personnes inscrites et qu’aucun préjudice ne serait causé au public si les inscrits concernés se prévalaient des dispositions existantes les autorisant à avoir d’autres fonctions ou activités rémunératrices. En outre, les progrès technologiques, dans le domaine des communications notamment, ont grandement réduit l’éloignement de la plupart des régions dites « éloignées ».

3. La codification proposée de l’avis RM0434

De manière similaire, la codification proposée de l’avis RM0434 de l’OCRCVM représente une mesure raisonnable en vue d’assurer que les règles des courtiers membres soient le plus claires possible. Le fait que d’importantes règles et décisions restent énoncées uniquement dans des avis ou des décisions, au lieu d’être clairement intégrées dans les règles, est problématique pour les inscrits dans leurs efforts pour assurer leur conformité. Cela crée également des problèmes pour le public, au niveau de la compréhension des obligations des inscrits et dans la gestion de situations particulières où des inscrits ne comprennent peut-être pas clairement les règles.

Qui plus est, nous considérons que la règle elle-même, qui exige que les courtiers membres soient informés de toute activité commerciale externe d’un inscrit et qu’ils l’approuvent, est utile parce qu’elle aide à bien faire appliquer les règles et à repérer des préoccupations et des problèmes possibles avant qu’ils n’aient de répercussions sur des clients.

4. Le projet de règle sur les opérations financières personnelles

Nous félicitons l’OCRCVM de proposer une règle sur les opérations financières personnelles pour tenter de réduire le risque de conflits d’intérêts entre les inscrits et leurs clients. Cela est particulièrement important pour protéger non seulement les intérêts des clients, mais aussi ceux des inscrits et des courtiers membres, afin d’éviter toute apparence de conflits d’intérêts, qui peut être préjudiciable aux inscrits et au secteur des placements dans son ensemble.

Michael MacDonald, professeur à l’Université de la Colombie-Britannique et titulaire de la chaire Maurice Young en éthique appliquée, propose une définition concise et précise des conflits d’intérêts qui peut servir de base à notre discussion entourant la règle sur les opérations financières personnelles. Selon M. MacDonald, un conflit d’intérêts est :

une situation dans laquelle une personne, comme le titulaire d’une charge publique, un employé ou un professionnel, a un intérêt privé ou personnel suffisant pour sembler l’empêcher de remplir ses fonctions officielles de façon complètement objective1.

Les règles sur la prévention des conflits d’intérêts sont conçues pour éviter le problème des loyautés divisées, réelles ou apparentes. Celui-ci peut se présenter dans le cadre du devoir de loyauté d’un professionnel envers son client, comme celui qu’a toute personne inscrite envers ses clients. La prévention des conflits d’intérêts est, de fait, une marque de professionnalisme. À cet égard, et comme le note le professeur MacDonald, l’apparence de division des loyautés ou d’intérêts personnels est tout aussi grave qu’une action concrète découlant d’un conflit d’intérêts.

Des opérations financières personnelles avec des clients peuvent donner lieu à des loyautés divisées ou à l’apparence de loyautés divisées parce que les intérêts du client à titre de consommateur des services d’un courtier peuvent facilement être opposés aux intérêts financiers personnels du courtier. Le prêt d’argent à un client en est l’exemple canonique. L’intérêt du courtier de voir rembourser le prêt rapidement peut être diamétralement opposé aux intérêts du client comme investisseur. Dans de nombreuses circonstances, les intérêts seront alignés, mais il s’en faudrait de peu pour que l’intérêt privé du courtier de voir rembourser son prêt devienne contraire aux intérêts du client à titre d’investisseur.

L’idée qu’il faut éviter les conflits d’intérêts et l’apparence de conflits d’intérêts est à la base même du professionnalisme dans le secteur et des notions juridiques et éthiques de confiance. Il s’agit pour nous de principes fondamentaux pour le milieu du courtage et pour le système financier en général.

Réactions à d’autres commentaires

Certains commentateurs ont exprimé l’idée, au sujet des modifications proposées, qu’il serait préférable que l’OCRCVM autorise certains types d’opérations financières personnelles avec des clients, mais qu’il règlemente ces opérations de façon plus stricte. Nous réagissons ci-dessous à deux de ces commentaires.

Dans son mémoire, Paul Hebert, de MacDougall, MacDougall and MacTier, propose d’autoriser les conseillers en placement à agir comme liquidateurs ou fiduciaires. Nous croyons qu’il y a deux arguments importants à faire valoir ici :

(a) Si, tel qu’énoncé, le conseiller en placement est un « conseiller de confiance » de la personne dont le patrimoine est liquidé, il y a un conflit d’intérêts clair et sans équivoque. Un fiduciaire ou un liquidateur doit être indépendant et neutre par rapport à toutes les parties intéressées, sans compter qu’il a des obligations fiduciaires à l’égard des cessionnaires et des créanciers. Le fait qu’un conseiller en placement puisse agir comme conseiller de confiance et en même temps comme fiduciaire à l’égard de cessionnaires et de créanciers soulève un risque de conflits d’intérêts.

(b) M. Hebert affirme que l’OCRCVM pourrait « facilement » mettre en place des règles et des procédures qui empêcheraient les conseillers en placement de tirer un intérêt personnel de leurs mandats de liquidateurs. Cependant, même abstraction faite du conflit d’intérêts qui demeure entre le conseiller et les cessionnaires, créanciers et bénéficiaires (décrit ci-dessus), le savoir-faire de l’OCRCVM ne se situe pas dans la réglementation des relations des liquidateurs ou des fiduciaires. Son savoir-faire concerne la réglementation des courtiers en valeurs mobilières. On ne peut pas demander à l’OCRCVM d’effectuer une micro-gestion de relations conflictuelles dans un contexte mettant en présence des liquidateurs ou des fiduciaires.

En ce qui concerne les ententes de règlement privées que Sandor Kerekes défend dans son mémoire, il s’agit clairement d’opérations financières personnelles. La raison d’être de l’interdiction des ententes de règlement privées est précisément de garantir que les opérations d’une personne inscrite avec des clients soient assujetties à un minimum de contrôle institutionnel, en autorisant le courtier membre à les examiner – les ententes de règlement ne doivent pas, selon notre compréhension, être interdites.

5. Recommandations et règles concernant le fait d’agir comme fondé de pouvoir

Enfin, nous aimerions aborder les changements recommandés aux règles qui concernent les inscrits agissant comme fondés de pouvoir sur les affaires de clients. Nous considérons que les règles actuelles ne protègent pas suffisamment les intérêts de certains clients. Aux termes de la règle proposée, l’opération suivante est interdite :

(i) le fait d’agir à titre de fondé de pouvoir, de fiduciaire, de liquidateur ou avoir, par ailleurs, l’autorité ou l’emprise totale ou partielle sur les finances d’un client, sauf :

(a) si le compte est un compte carte blanche ou géré et que l’autorité est exercée conformément aux exigences applicables de la Société.

Nous considérons cette règle insuffisante, conformément à notre avis exprimé ci-dessus qu’un moyen clé de prévenir les conflits d’intérêts est de prévenir l’apparence d’intérêts conflictuels, et non seulement d’empêcher des actions contraires aux intérêts du client. Nous pensons donc que l’autorité conférée par le fait d’agir comme fondé de pouvoir doit, dans toute la mesure du possible, être spécifiquement limitée aux exigences applicables de la Société. En d’autres termes, aucun représentant inscrit ni représentant en placement ne devrait agir comme fondé de pouvoir sur les finances d’un client à moins que ce ne soit dans le cadre d’un compte carte blanche ou géré et que l’autorité du fondé de pouvoir soit spécifiquement limitée aux affaires directement reliées à ce compte carte blanche ou géré.

Nous vous remercions encore une fois de nous avoir donné l’occasion de présenter nos commentaires et nos opinions sur les modifications proposées et acceptons volontiers la publication de ce mémoire. Nous serions heureux d’approfondir avec vous le contenu de cette lettre au moment qui vous conviendra. N’hésitez pas à communiquer avec Ermanno Pascutto (416 572-2282 / ermanno.pascutto@faircanada.ca) ou Ilana Singer (416 572-2215 / ilana.singer@faircanada.ca).

Soyez assurés de nos meilleurs sentiments,

Fondation canadienne pour l’avancement des droits des investisseurs

1 Michael MacDonald, Ethics and Conflict of Interest, http://web.archive.org/web/20071103 060225/http://www.ethics.ubc.ca/people/mcdonald/conflict.htm.