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Le 23 juillet 2009

Mark Stechishin
Avocat aux politiques
Organisme canadien de réglementation du commerce des valeurs mobilières (OCRCVM)
Suite 1600, 121 King Street West
Toronto, ON M5H 3T9

Directeur de la réglementation des marchés
Commission des valeurs mobilières de l’Ontario
19th Floor, Box 55
20 Queen Street West
Toronto, ON M5H 3S8
Couriel : marketregulation@osc.gov.on.ca

Objet : Sollicitation de commentaires du public – Modèle de relation client-conseiller

Nous avons le plaisir de vous présenter les commentaires de la Fondation canadienne pour
l’avancement des droits des investisseurs (« FAIR Canada ») en réponse à l’appel à commentaires sur le modèle de relation client-conseillers (09-0120, émis le 24 avril 2009).

FAIR Canada est un organisme sans but lucratif indépendant qui se propose de représenter les intérêts des actionnaires et investisseurs individuels canadiens, avec pour mission de parler en leur nom sur les questions touchant la réglementation des valeurs mobilières et d’aider à faire progresser leurs droits. Pour de plus amples renseignements, consultez notre site faircanada.ca.

APERÇU

Des pays de partout dans le monde industrialisé s’efforçaient de repenser les relations entre
investisseurs et conseillers en placement. La crise financière est venue accélérer cette tendance.

– Comme souvent, c’est l’autorité des marchés financiers du Royaume-Uni, la FSA (Financial Services Authority), qui montre le chemin. Pour éviter les conflits d’intérêts, elle a  recommandé d’interdire les commissions sur ventes pour les conseillers en placement et d’adopter à la place une rémunération à base d’honoraires.
– Aux États-Unis, l’administration Obama a proposé de créer une agence de protection des consommateurs de services financiers et d’imposer des obligations fiduciaires uniformes à tous les professionnels de la vente du secteur financier, tenus de toujours faire passer les  intérêts de leurs clients en premier. Dans plusieurs de ses discours, la nouvelle présidente de la SEC, Mary Shapiro, a reconnu que la commission américaine des valeurs mobilières avait erré et a préconisé un retour à son mandat premier qui est d’être l’« avocate des investisseurs ».
– L’Union européenne, l’Australie et d’autres pays ont adopté ou sont en train de mettre en place des mesures de grande importance et de vaste portée axées sur le même objectif.

Le Canada avait fait figure de pionnier dans les efforts de refonte de la relation client-conseiller, avec des discussions sérieuses en ce sens qui avaient débouché en 2004 sur les propositions du modèle de courtage équitable (MCE) de la Commission des valeurs mobilières de l’Ontario. Ce modèle préconisait de revoir en profondeur toute la réglementation des services financiers de détail en misant sur la simplicité et sur une maximisation de l’accessibilité des investisseurs aux moyens de placement quel que soit le circuit de distribution considéré. Et pour plus de transparence, le MCE prônait que soient divulgués – de manière authentique et en temps opportun – les caractéristiques du placement, ses risques, le rendement du compte du client et tous les frais et honoraires touchés par le conseiller. La CVMO avait même envisagé d’interdire aux sociétés de gestion de portefeuille de prélever des commissions de vente destinées aux courtiers à même l’actif des fonds, et d’obliger plutôt les maisons de courtage à facturer directement leurs clients pour les services fournis.

Malheureusement, le modèle de courtage équitable n’a jamais été adopté. Il a depuis été découpé selon les différents domaines de responsabilité. Les organismes d’autoréglementation – l’Organisme canadien de réglementation du commerce des valeurs mobilières (OCRCVM) pour les courtiers en valeurs et l’Association canadienne des courtiers de fonds mutuels (ACFM) pour les fonds communs de placement – ont proposé des règles sur l’information à l’égard de la relation client, les conflits d’intérêts, la
convenance des placements, les relevés aux clients, les communications avec les investisseurs et la
déclaration du rendement. De leur côté, les ACVM (autorités canadiennes en valeurs mobilières) se penchaient sur la réforme des inscriptions et le traitement des plaintes.

Recommandation – FAIR Canada adhère en général aux propositions de l’OCRCVM et de l’ACFM, qui apporteraient effectivement des améliorations au modèle de relation client-conseiller. Mais elles ne vont pas assez loin pour permettre une refonte complète de cette relation. Nous demandons aux ACVM, à l’OCRCVM et à l’ACFM de passer en revue les nombreuses mesures réglementaires qui existent à l’échelle mondiale, afin d’assurer que la protection des investisseurs canadiens soit à la hauteur des meilleures pratiques en vigueur à l’étranger.

A) Information sur la relation avec les clients

Les investisseurs individuels sont trop souvent submergés par la masse de documents qu’ils reçoivent lorsqu’ils ouvrent un compte auprès d’un fournisseur de services financiers. La plupart n’ont pas la moindre idée de ce qu’ils paient pour les conseils financiers reçus, des services que peut leur offrir leur conseiller ou d’autres éléments importants pour eux.

L’objectif de l’information sur la relation avec les clients est très louable : présenter à tous les clients un document clair, facilement comparable, en langage simple, réunissant toutes les informations du client, les services offerts, les frais facturés et d’autres renseignements qu’un investisseur raisonnable considérerait comme importants.

Les règles d’information sur la relation avec les clients proposées par l’OCRCVM sont un pas important dans le sens de la communication des informations dont un client averti a besoin. La liste, longue, en plus des éléments de base décrits ci-dessus comprend des descriptions de la nature de la relation avec le conseiller (compte géré, compte conseil ou compte d’exécution seulement), la méthode et la fréquence des révisions de la pertinence des placements pour le client, un énoncé sur le mode de divulgation et de règlement des conflits d’intérêts par les courtiers, une description du genre et de la fréquence des relevés des comptes et de leur rendement, et une explication des procédures de traitement des plaintes.

La proposition initiale de l’OCRCVM prévoyait de regrouper tous ces renseignements dans un seul
document. Devant les craintes du secteur que suscitent le coût élevé de nouveaux systèmes informatiques et la duplication de renseignements existants, la proposition a été modifiée pour permettre aux courtiers d’intégrer ces documents par renvoi. La proposition actuelle de  l’OCRCVM permet d’intégrer d’autres documents par renvoi, ce qui limite les avantages d’une information sur la relation simplifiée. Dans un monde où trop peu d’investisseurs lisent ou consultent les formulaires d’ouverture de compte en raison de leur volume et de leur complexité, nous devrions tout faire pour rendre cette information directement accessible.

Recommandation : FAIR Canada préconise l’utilisation d’un document d’ouverture de compte unique, sur lequel seraient regroupés tous les renseignements importants pour l’investisseur. À tout le moins, le principal document d’information devrait inclure un bref sommaire – en langage simple – de tous les documents intégrés par renvoi.

B) Gestion/Divulgation de conflits

L’OCRCVM propose de renforcer les règles sur les conflits d’intérêts entre les investisseurs et leurs conseillers. Là où les conflits sont inévitables, ils doivent être divulgués et réglés au mieux des intérêts du client.

Les lignes directrices détaillées préconisent que les courtiers soient « tenus de régler le conflit d’intérêts réel ou éventuel d’une manière juste, équitable et transparente, en exerçant leur jugement de façon responsable et en ne tenant compte que de l’intérêt du ou des clients ». Les nouvelles règles exigent que les courtiers membres de l’OCRCVM aient des politiques et des procédures écrites sur la façon de repérer, d’éviter, de communiquer et de régler les cas de conflits d’intérêts entre le client et le courtiermembre.

Les lignes directrices poursuivent en rassurant les courtiers sur le fait qu’il n’y a pas de conflits d’intérêts dans le cours normal des affaires. Bien entendu le motif de conflit le plus important de tous – « le fait que le courtier membre et ses représentants gagnent des commissions sur les opérations recommandées constitue un conflit qui survient tous les jours dans le cours normal des activités » – peut être résolu par la divulgation des honoraires et des commissions, selon la proposition. Le document poursuit en disant que certaines situations de conflit peuvent exiger un consentement éclairé (p.ex., une entente écrite avant conclusion d’une entente de  recommandation de clients) ou même nécessiter que le client obtienne des conseils financiers indépendants.

D’autres pays s’attaquent à ces conflits de front. La Financial Services Authority du Royaume-Uni a proposé de bannir les commissions. Aux États-Unis, l’administration Obama a proposé d’imposer des obligations fiduciaires uniformes à tous les prestataires de services financiers.

Recommandation : FAIR Canada donne son appui aux nouvelles règles sur la gestion des conflits et la communication d’informations. Il faut beaucoup plus, notamment en ce qui concerne la question de la responsabilité fiduciaire et les conflits d’intérêts entre les clients, le conseiller et sa société. Nous appelons les autorités de réglementation à étudier les meilleures pratiques concernant la rémunération des conseillers et leurs obligations fiduciaires pour que les investisseurs canadiens jouissent de la même protection que les investisseurs aux États-Unis, au Royaume-Uni et sur d’autres grands marchés financiers.

C) Convenance

L’OCRCVM propose d’augmenter la fréquence et l’étendue des obligations existantes d’évaluer la
convenance des opérations acceptées et des recommandations faites sur les comptes de  particuliers.

– Des événements tels que des transferts ou des dépôts importants dans des comptes, des changements importants de la situation du client ou des changements de représentant devraient « déclencher » une révision complète de la convenance du compte.
– Les examens de la convenance devraient tenir compte des autres placements dans le compte du client ainsi que d’indications sur le passé, notamment en ce qui concerne la situation financière du client, sa connaissance des placements et ses objectifs, ainsi que sa tolérance au risque.
– Les courtiers devraient effectuer de telles révisions au moins une fois par an et envisager d’en faire après les grands mouvements du marché.

L’OCRCVM contemple d’autres modifications des règles de convenance et des exigences de surveillance. Nous croyons comprendre qu’une révision importante des pratiques d’identification des clients (« connaître son client ») et de la définition d’investisseur averti est en préparation.

Les investisseurs qui se plaignent mettent souvent en cause la répartition de leurs actifs, surtout après un effondrement boursier. Courtiers et investisseurs ont de part et d’autre l’obligation de suivre ces questions de près et de s’assurer que les portefeuilles ne s’écartent pas des objectifs de répartition des actifs et de la tolérance au risque du client.

Recommandation : FAIR Canada appuie ces règles comme des étapes importantes pour surveiller les comptes des clients. Nous comptons sur une surveillance étroite et une application stricte de ces règles de convenance, avec des sanctions fortement dissuasives en cas d’infraction, pour que les sociétés et les conseillers aient de solides incitations à respecter ces règles.

D) Information sur le rendement des comptes

Les investisseurs ont un droit fondamental, celui de savoir sans ambiguïté à quel point leurs placements prospèrent ou périclitent. La plupart veulent simplement avoir un seul chiffre – celui du rendement global de leur portefeuille au cours de l’année écoulée – et savoir comment ce rendement se compare avec celui de l’indice de référence le plus approchant.

FAIR Canada appuie l’OCRCVM lorsqu’il affirme « nous estimons que ces renseignements sont
importants pour le client, puisqu’ils permettent de comparer facilement le rendement réel sur le
compte au rendement éventuel que pourraient rapporter d’autres placements ».  Malheureusement, l’OCRCVM revient ensuite en arrière en n’exigeant pas des calculs de rendement et d’indice de référence détaillés.

Plusieurs sociétés de services financiers se sont plaintes de la complexité de ces calculs. Il est vrai qu’il est parfois difficile de donner des renseignements sur les coûts passés et d’attribuer une juste valeur à certains actifs non liquides.

Mais cela n’est pas le cas pour l’immense majorité des comptes de détail. Et dans le monde institutionnel, il y a toute une industrie de la mesure du rendement, avec l’existence de nombreux
systèmes qui décortiquent les résultats des placements et les ventilent par catégorie, par style et selon une foule d’autres critères. On peut donc difficilement accepter qu’un tel service constitue un trop gros obstacle pour les courtiers en placement.

Nous soupçonnons qu’une certaine fraction du secteur des services financiers ne souhaite pas trop que ses clients disposent d’une information claire et facilement comparable qui les aiderait à bien
comprendre comment leur portefeuille s’est tenu.

La proposition de l’OCRCVM de demander aux courtiers de fournir des rendements cumulatifs annuels à l’avenir est un compromis trop faible. Les sociétés ne sont pas obligées de fournir des calculs périodiques de rendements annuels. Les sociétés membres sont autorisées (mais non contraintes) à fournir des rapports sur les rendements annuels, sur la base des calculs autorisés par l’OCRCVM. Elles sont aussi autorisées (mais non contraintes) à inclure un indice de référence.
Il convient de noter que les nouveaux règlements adoptés au Royaume-Uni exigent de préciser le mode de calcul des rendements annuels et d’inclure les rendements des indices de référence.

Recommandation : FAIR Canada demande à l’OCRCVM et aux ACVM d’imposer que les rendements des portefeuilles des clients soient calculés et déclarés individuellement au moins une fois par an, si ce n’est plus. Les autorités réglementaires devraient aussi exiger que les rendements des indices de référence soient eux aussi indiqués sur les relevés.

CONCLUSION

Les nouvelles règles des ACVM et les propositions de l’OCRCVM et de l’ACFM sont des pas de plus sur le long chemin menant à la résolution des problèmes liés aux conflits d’intérêts, à une information déficiente et à d’autres aspects de la relation client-conseiller. Mais elles n’ont pas la portée suffisante pour déboucher sur une nécessaire refonte des règles régissant cette relation. Certains sujets – l’inscription et les plaintes de la clientèle – sont effectivement traités, mais d’autres ne sont même pas évoqués. Il n’y a pratiquement pas eu de débat public au Canada sur les mesures prises à l’étranger pour réduire ou éliminer les pierres d’achoppement entre les courtiers et leurs clients.

Les investisseurs canadiens méritent que la manière dont les services financiers sont vendus et
dispensés ici soit repensée d’une manière plus approfondie. FAIR Canada demande aux ACVM, à
l’OCRCVM et à l’ACFM d’étudier ce qui se fait de mieux en matière de réglementation sur les plus grands marchés financiers étrangers. L’imposition d’une obligation fiduciaire uniforme à tous les conseillers répondrait aux attentes des investisseurs, notamment sur la manière dont les conseillers et les sociétés financières commercialisent leurs services – et assurerait un meilleur alignement des intérêts de toutes les parties.

Nous nous ferons un plaisir d’approfondir avec vous nos commentaires.

Soyez assurés de nos meilleurs sentiments.

Fondation pour l’avancement des droits des investisseurs (FAIR Canada)

POUR INFORMATION

Ermanno Pascutto, Directeur général, FAIR Canada| 416-572-2282
ermanno.pascutto@faircanada.ca
Steve Garmaise, Directeur associé, FAIR Canada | 416-572-2743
steve.garmaise@faircanada.ca