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9 juin 2017

 

 

Comité permanent des finances
Chambre des communes
6e étage
131, rue Queen
Ottawa (Ontario)  K1A 0A6
Canada

OBJET :             Protection des consommateurs et supervision en lien avec les banques de l’annexe I

FAIR Canada a le plaisir de présenter au Comité permanent des finances son dossier concernant la protection des consommateurs et la supervision en lien avec les banques de l’annexe I. FAIR Canada pense pouvoir aider le Comité permanent à comprendre les problèmes liés à la protection des consommateurs dans les banques et donner des conseils sur les mesures que le gouvernement peut prendre pour résoudre ces problèmes.

FAIR Canada est un organisme sans but lucratif national de défense des consommateurs financiers. En tant que voix nationale pour les consommateurs financiers canadiens, FAIR Canada s’est engagée à promouvoir une meilleure protection des consommateurs en matière de réglementation des valeurs mobilières. Consultez le site faircanada.ca pour obtenir de plus amples renseignements.

1. La nécessité d’une protection des consommateurs dans les banques

1.1. FAIR Canada a suivi l’enquête de l’émission Go Public de CBC sur les pratiques de vente douteuses des banques du Canada et, comme de nombreux organismes, elle est préoccupée par les allégations faites par d’anciens employés de banque. Ces allégations concernent le personnel de première ligne des banques, qui subit des pressions pour vendre aux clients des produits et des services dont ils n’ont pas besoin.

1.2. De plus, les pratiques de vente dans les banques ont mené des employés autorisés à vendre des produits d’investissement à contrevenir à leurs obligations réglementaires. Dans certains cas, les employés ont révélé qu’ils ont même enfreint la loi pour atteindre des objectifs de recette de ventes. Dans un autre reportage, l’émission Go Public de CBC a indiqué que, selon les employés de banque, la falsification de documents et de signatures est plus courante que ce que l’on croit[1].

1.3. Les recommandations et les conseils de piètre qualité ne sont pas le fruit d’une poignée de mauvais éléments dans le système, mais plutôt des structures de rémunération et des pratiques à l’échelle des firmes qui font passer les intérêts des représentants et des firmes avant ceux des Canadiens.

1.4. Les reportages de l’émission Go Public de CBC sont essentiels pour faire la lumière sur le piètre niveau de protection des consommateurs dans le secteur des services financiers et pour mettre en évidence le besoin urgent de réforme. Jusque-là, aucune mesure concrète n’a été prise par les organismes de réglementation pour régler les problèmes.

2. Dépendance accrue des consommateurs envers les banques pour accumuler des économies et atteindre leurs objectifs en matière de retraite ou d’autres objectifs financiers

2.1. Les banques ont étendu leur modèle opérationnel au-delà de la prestation de services bancaires quotidiens tels que les emprunts traditionnels, les certificats de placement garanti et les Obligations d’épargne du Canada, et proposent une gamme de plus en plus large de produits financiers complexes.

2.2. Depuis les années 1980, les produits financiers se sont complexifiés et « la frontière entre les types de produits financiers est devenue floue »[2]. De plus, le nombre de différents produits financiers disponibles ne cesse de croître[3]. De ce fait, il est difficile pour le Canadien moyen d’être informé comme il se doit des différentes options concernant les produits d’investissement, la plupart des Canadiens trouvant le monde de l’investissement bien confus.

2.3. Les firmes ont profité de cette occasion en commercialisant leurs produits et en se présentant comme des organismes fournissant des conseils fiables, soulignant la nature exhaustive et consultative de leurs services et mettant moins l’accent sur la nature transactionnelle des relations. Les vendeurs sont devenus des « conseillers », des « conseillers financiers » et des « planificateurs financiers »[4].

2.4. En même temps, les Canadiens ont été forcés de devenir de plus en plus autonomes en ce qui concerne le financement de leurs besoins en matière de retraite étant donné le déclin des régimes de retraite proposés par les employeurs. Même si bon nombre d’entre eux ne sont pas en mesure de le faire étant donné leurs faibles niveaux de connaissances financières, les Canadiens ont été forcés d’intégrer les marchés financiers pour traiter leurs propres besoins en matière de retraite. De nombreux Canadiens ne comprennent pas l’importance des coûts sur leur capacité à accumuler des économies pour leur retraite et ne se rendent pas compte que les coûts qu’ils supportent nuisent de façon importante au retour sur investissement à long terme.

2.5. Les Canadiens reçoivent souvent leurs « conseils » de leur succursale bancaire. Selon l’enquête Canadian Financial Monitor d’Ipsos menée en 2012, 87 % des ménages détenant des fonds de placement, détiennent ces produits par l’intermédiaire d’une caisse de dépôts ou d’un agent de contrepartie détenu par un assureur, la plupart étant des banques.

2.6. Les banques occupent une position de confiance auprès des Canadiens parce qu’elles gèrent leurs économies, leurs emprunts immobiliers, leurs crédits et leurs investissements. Les banques ont une position unique qui leur permet d’avoir une incidence importante sur la sécurité financière à long terme des Canadiens.

3. Questions réglementaires

3.1. Il y a eu peu de changement réglementaire pour prendre en compte la nature de plus en plus exhaustive et consultative des relations entre les employés et les consommateurs.

3.2. Les réglementations bancaires sont axées sur la divulgation, le consentement et l’information, alors que le cadre réglementaire des valeurs mobilières est axé sur la pertinence. Toutefois, la crise financière de 2008 et les conclusions de l’économie comportementale indiquent clairement que la divulgation constitue un cadre réglementaire inadéquat. Les pratiques exemplaires internationales et nos obligations en vertu des principes de haut niveau du G20 sur la protection financière des consommateurs nécessitent davantage[5]. Le principe 6 du document sur les principes de haut niveau du G20 est le suivant :

Les prestataires de services financiers et leurs agents agréés doivent avoir comme objectif d’agir au mieux des intérêts de leurs clients et être responsables de veiller à la protection financière des consommateurs. En cas de conflit d’intérêts potentiel, les prestataires des services financiers et leurs agents agréés doivent s’efforcer d’éviter de tels conflits. La grille de rémunération du personnel des prestataires de services financiers et des agents agréés doit être conçue de manière à éviter les conflits d’intérêts[6].

3.3. FAIR Canada pense qu’une norme sur l’intérêt supérieur est requise de toute urgence pour les personnes fournissant des conseils financiers aux consommateurs[7]. Une telle norme imposerait d’agir de façon juste et honnête, avec un devoir de loyauté envers le client et d’éviter les conflits d’intérêts, entre autres[8].

3.4. Une norme sur l’intérêt supérieur permettrait de combattre la prolifération de produits nuisibles, qui contreviennent aux pratiques de vente et aux incitatifs financiers qui ne sont pas dans l’intérêt du client, et supprimerait les conflits d’intérêts structurels (notamment les commissions intégrées de tiers)[9]. Par exemple, même s’ils ont des fonds indiciels à faible coût dans leur gamme de produits, les employés de banque sont incités à vendre des produits de fonds de fonds à tarif élevé. FAIR Canada demande une réforme urgente dans ce domaine[10].

3.5. L’établissement d’une norme sur l’intérêt supérieur constituerait une mesure importante pour s’assurer que les Canadiens ne reçoivent pas des conseils inadaptés et biaisés, et forcerait les banques à adapter leurs pratiques commerciales de façon que les employés ne mettent plus la priorité sur les ventes plutôt que sur l’intérêt du client.

4. Résolution des différends des clients

4.1. Le système de plainte des clients pour les services bancaires est fragmenté et complexe, les clients ne donnent donc pas forcément suite à leurs plaintes ou préoccupations. De nombreux clients ne savent pas ou ne comprennent pas la nature de leur problème, ou bien le processus à suivre afin de porter plainte. Ce n’est pas surprenant, car le processus est extrêmement complexe et est différent selon que le produit ou service financier appartient techniquement au secteur bancaire, au secteur des assurances ou au secteur des valeurs mobilières.

4.2. Il existe différents services de médiation en fonction du secteur de services financiers concerné – L’Ombudsman des services bancaires et des investissements (« OSBI ») pour les placements en titre, l’Ombudsman des assurances de personnes pour les assurances et l’OSBI ou les Chambres ADR Bureau Bancaire Ombuds pour les plaintes touchant les services bancaires.

4.3. FAIR Canada pense que le gouvernement doit revoir la décision qu’il a prise en 2012 d’autoriser l’existence de plusieurs organismes de résolution des différents externes pour les plaintes bancaires. Les banques ne devraient pas être autorisées à embaucher et à payer leur prestataire externe de règlement des différends. Nous demandons au gouvernement de consulter notre soumission sur la question, qui explique de façon détaillée pourquoi cela n’est pas dans l’intérêt public[11].

4.4. FAIR Canada recommande que le gouvernement et les organismes de réglementation revoient le processus de recours des consommateurs dans le cadre de services de médiation de manière que les consommateurs voient leurs plaintes être réglées par une décision exécutoire, s’ils acceptent la recommandation. Cela permettra d’améliorer la conformité des sociétés et de leurs courtiers attitrés individuels à la norme de conduite et aux règles connexes, tout en permettant aux consommateurs d’obtenir un règlement efficace et efficient de leurs plaintes[12]. FAIR Canada exhorte le gouvernement à jouer un rôle de premier plan à cet égard et à créer un organe qui a le pouvoir de mettre en œuvre des décisions exécutoires.

4.5. En outre, on ne devrait pas accepter que les procédures internes de règlement des différends des institutions financières soient appelées « ombudsman », car elles ne satisfont pas aux critères permettant l’utilisation de ce terme. Cela peut être source de confusion pour le consommateur, qui pourrait ne pas comprendre qu’il peut faire appel aux véritables services d’ombudsman qui sont à sa disposition.

4.6. FAIR Canada recommande que les consommateurs reçoivent des renseignements clairs au sujet des procédures de plaintes de la part de l’institution financière et que les banques ne soient pas autorisées à induire les consommateurs en erreur quant au processus de plainte en appelant « ombudsman » les personnes responsables des plaintes dans les banques. L’utilisation de ce terme dans ce contexte est intrinsèquement trompeuse.

4.7. FAIR Canada recommande une plus grande conformité aux exigences de déclaration des données relatives aux plaintes et plus de transparence sur les données relatives aux plaintes[13].

5. Agence de la consommation en matière financière du Canada

5.1. FAIR Canada recommande que les pouvoirs, les ressources et les processus de l’Agence de la consommation en matière financière du Canada soient examinés afin que celle-ci dispose de la structure, des ressources, des mandats et des processus assignés par la loi nécessaires afin d’accomplir sa mission, de veiller à la conformité des entités qu’elle réglemente ainsi qu’à l’application efficace de la loi par celles-ci, et de garantir la protection des consommateurs. Des modifications doivent être apportées pour s’assurer qu’il s’agit d’un solide organisme de réglementation du comportement du marché. Le Consumer Financial Protection Bureau des États-Unis doit être examiné en tant que modèle.

5.2. Il y a nécessairement quelque chose qui cloche si les allégations des employés sont vraies et que ces piètres pratiques de vente et structures de rémunération ont pu fleurir alors que l’Agence de la consommation en matière financière du Canada pense avoir renforcé son rôle de chien de garde protégeant les consommateurs de produits et de services financiers au Canada et être prête à relever tous les défis qui peuvent se présenter[14]. Comment peut-elle déclarer que « la conduite des EFF sur le marché était globalement satisfaisante » et qu’il n’y a « aucune préoccupation majeure ou systémique à signaler »?

Nous sommes heureux que le gouvernement entreprenne cet examen comme première mesure pour s’assurer que les Canadiens bénéficient d’une protection des consommateurs adéquate. Nous serions ravis d’apporter davantage notre aide.

Nous vous remercions de nous avoir donné la possibilité de formuler, par la présente, nos commentaires et nos points de vue. Nous acceptons que ce document soit rendu public, et nous serions heureux d’en discuter avec vous à votre convenance. Nous accepterions également volontiers de participer à d’autres audiences publiques à l’automne. N’hésitez pas à communiquer avec Marian Passmore au 416-214-3441/marian.passmore@faircanada.ca ou avec Ermanno Pascu à l’adresse ermanno.pascutto@faircanada.ca.

Veuillez agréer l’expression de nos sentiments distingués.

Fondation canadienne pour l’avancement des droits des investisseurs

 

[1]  Cela est cohérent avec le dernier rapport sur l’application de la loi de l’Association canadienne des courtiers de fonds mutuels, accessible en ligne à l’adresse : <http://mfda.ca/wpcontent/uploads/EnfAR2016.pdf> (en anglais seulement) ainsi qu’avec l’avis de décembre 2016 des Autorités canadiennes en valeurs mobilières, accessible en ligne à l’adresse : <http://www.osc.gov.on.ca/documents/en/Securities-Category3/csa_20161215_33-318_incentives.pdf> (en anglais seulement), de l’Organisme canadien de réglementation du commerce des valeurs mobilières, accessible en ligne à l’adresse : <http://www.iiroc.ca/Documents/2016/4dd98e70-f053-4980-bc75-10ceb6f3940d_en.pdf> (en anglais seulement), et de l’Association canadienne des courtiers de fonds mutuels, accessible en ligne à l’adresse : <http://mfda.ca/bulletin/review-of-compensation-incentives-and-conflicts-of-interest/>( en anglais seulement).

[2]  Rapport final du comité d’experts pour l’examen des politiques relatives à la planification financière et aux conseils financiers, 1er novembre 2016, page 19, accessible en ligne à l’adresse : <http://www.fin.gov.on.ca/fr/consultations/fpfa/fpfa-final-report.html> [Rapport d’expert].

[3]  Commission des valeurs mobilières de l’Ontario; Statement of Priorities for Fiscal 2011-2012 (en anglais seulement), page 4, accessible en ligne à l’adresse : <http://osc.gov.on.ca/documents/en/Publications/sop_fiscal-2011-2012.pdf>.

[4]  Page 20 du Rapport d’expert.

[5]  OECD G20 High-Level Principles on Financial Consumer Protection (en anglais seulement), octobre 2011, accessible en ligne à l’adresse : https://www.oecd.org/g20/topics/financial-sector-reform/48892010.pdf [Principes de haut niveau]

[6]  Pages 7 des Principes de haut niveau. Consulter également le rapport Update Report on the Work to Support the Implementation of the G20 High Level Principles on Financial Consumer Protection: G20/OECD Task Force on Financial Consumer Protection, Principles 4, 6 and 9 (en anglais seulement), septembre 2013, pages 4 et 12 à 17, accessible en ligne à l’adresse : https://www.oecd.org/g20/topics/financial-sector-reform/G20EffectiveApproachesFCP.pdf>. Il s’agit de mesures et de pratiques de réglementation, de surveillance et d’autoréglementation qui ont été élaborées et qui sont examinées par le groupe de travail afin d’appliquer efficacement les principaux aspects des Principes de haut niveau du G20. Elles sont également compatibles avec les approches élaborées par un plus grand nombre de compétences.

[7]  Voir la proposition de FAIR Canada aux Autorités canadiennes en valeurs mobilières en ce qui concerne une norme sur l’intérêt supérieur, 30 septembre 2016, accessible en ligne à l’adresse : <https://faircanada.ca/wp-content/uploads/2016/12/160930-FAIR-Canada-commentaires_Proposition-de-norme-sur-l’intérêt-supérieur-et-de-réformes-ciblées_F-1.pdf> [Proposition de norme sur l’intérêt supérieur de FAIR Canada] et le document de FAIR Canada intitulé Une norme réglementaire sur l’intérêt supérieur est requise de toute urgence, 20 octobre 2016, accessible en ligne à l’adresse : https://faircanada.ca/fr/tendance/une-norme-reglementaire-sur-linteret-superieur-est-requise-de-toute-urgence/>.

[8]  Ibid.

[9]  Consulter le document de Douglas Cumming intitulé A Dissection of Mutual Fund Fees Fees, Flows and Performance (en anglais seulement), 8 février 2016, accessible en ligne à l’adresse : <https://www.osc.gov.on.ca/documents/en/Securities-Category5/rp_20151022_81-407_dissection-mutual-fund-fees.pdf> et la consultation 81-408 de la Commission des valeurs mobilières de l’Ontario Consultation on the Option of Discontinuing Embedded Commissions (en anglais seulement), 10 janvier 2017, accessible en ligne à l’adresse : <http://www.osc.gov.on.ca/en/SecuritiesLaw_sn_20170110_81-408_consultation-discontinuing-embedded-commissions.htm>.

[10]  Consulter la lettre de FAIR Canada datée du 12 avril 2013 adressée aux Autorités canadiennes en valeurs mobilières ayant pour objet : Document de discussion et de consultation 81-407 Les frais des organismes de placement collectif (le « document de consultation ») des Autorités canadiennes en valeurs mobilières (« ACVM »), accessible en ligne à l’adresse : <https://faircanada.ca/wp-content/uploads/2009/03/April-12_FAIR-Canada-comments-re-Mutual-Fund-Fees_F-2.pdf> et la lettre ouverte de l’honorable Jim Flaherty du 23 septembre 2011 adressée au ministre fédéral des Finances ayant pour objet : Différences de prix entre les fonds communs de placement canadiens et américains, accessible en ligne à l’adresse : <https://faircanada.ca/wp-content/uploads/2011/10/110922-Letter-to-Hon-Flaherty-Final_F.pdf>.

[11]   Lettre de FAIR Canada, 13 août 2012, accessible en ligne à l’adresse : <https://faircanada.ca/wp-content/uploads/2011/01/120813-final-banking-complaints-submission-FINAL.pdf> (en anglais seulement) .

[12]  Soumission de FAIR Canada à Mme Deborah Battel, examinatrice indépendante de l’OSBI, 26 février 2016, accessible en ligne à l’adresse : <https://faircanada.ca/wp-content/uploads/2016/02/160226-FAIR-Canada-submission-independent-evaluation-of-obsi_final-2.pdf> (en anglais seulement).

[13]  Nous pensons que les firmes ne respectent pas toutes les obligations réglementaires existantes concernant la publication de renseignements relatifs aux plaintes conformément à l’article 4 du Règlement sur les réclamations (banques, banques étrangères autorisées et organismes externes de traitement des plaintes).

[14]  Rapport annuel 2015-2016 de l’Agence de la consommation en matière financière du Canada, accessible en ligne à l’adresse : <http://publications.gc.ca/collections/collection_2017/acfc-fcac/FC1-2016-fra.pdf>.