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Le 29 juin 2011

John Stevenson
Secrétaire de la Commission
Commission des valeurs mobilières de l’Ontario
20 Queen Street West
Toronto(ON) M5H 3S8
Envoyé par courriel à : jstevenson@osc.gov.on.ca

Gabrielle Kaufmann
Conseillère juridique, Réglementation du marché
Commission des valeurs mobilières de l’Alberta
Suite 600, 250 – 5 Street SW
Calgary (AB) T2P 0R4
Envoyé par courriel à : gabrielle.kaufmann@asc.ca

Michael Brady
Conseiller juridique principal, Réglementation des marchés de capitaux
Commission des valeurs mobilières de Colombie-Britannique
P.O. Box 10142, Pacific Centre
701 West Georgia Street
Vancouver (C-B.) V7Y 1L2
Envoyé par courriel à : mbrady@bcsc.bc.ca

Me Anne-Marie Beaudoin
Secrétaire de l’Autorité
Autorité des marchés financiers
800, Square Victoria, 22e étage
C.P. 246, Tour de la Bourse
Montréal (Québec) H4Z 1G3
Envoyé par courriel à : consultation-en-cours@lautorite.qc.ca

Objet : Groupe TMX Inc. et TSX Inc. – Transaction proposée avec London Stock Exchange Group PLC – Avis et appel de commentaires

Objet : Avis conjoint et appel de commentaires de BCN 2011/10 et ASC/BCSC – Demande de la Bourse de croissance TSX Inc. de modification des ordonnances de reconnaissance de la Commission des valeurs mobilières de l’Alberta et de la Commission des valeurs mobilières de Colombie-Britannique

Objet : Avis de consultation publique – Demande relative à la transaction proposée entre Groupe TMX Inc. et London Stock Exchange Group PLC

FAIR Canada a le plaisir de soumettre un avis à la Commission des valeurs mobilières de l’Ontario (« CVMO »), la Commission des valeurs mobilières de l’Alberta (« CVMA »), la Commission des valeurs mobilières de la Colombie-Britannique (« CVMCB ») et l’Autorité des marchés financiers (« AMF ») (ci-après conjointement dénommées les « autorités consultantes ») en réponse à trois appels de commentaires relatifs à la transaction proposée entre Groupe TMX Inc. (« Groupe TMX ») et le Groupe LSE (« LSEG ») (la « transaction proposée »).

FAIR Canada est un organisme sans but lucratif national de défense des épargnants. À titre de représentant des investisseurs canadiens, FAIR Canada milite pour une plus grande protection des investisseurs dans le domaine de la réglementation des valeurs mobilières. Pour de plus amples renseignements, consultez notre site faircanada.ca.

Sommaire des commentaires et des recommandations de FAIR Canada :

1. Si les autorités consultantes jugent qu’il est dans l’intérêt public d’émettre les ordonnances demandées, FAIR Canada recommande que les ordonnances de la CVMO soient conditionnelles à la mise en place de mécanismes solides et précis pour gérer les divers conflits d’intérêts entre les
responsabilités de réglementation des inscriptions de la TSX et ses activités commerciales.

2. FAIR Canada considère que la transaction proposée entre Groupe TMX et LSEG ne présentera aucun avantage réel pour les marchés de capitaux canadiens. FAIR Canada ne croit pas que la transaction proposée présente un intérêt public certain.

3. FAIR Canada s’inquiète de ce que les administrateurs canadiens pourraient devenir minoritaires au conseil d’administration de la société nouvellement constituée. Quatre ans plus tard, le nombre d’administrateurs canadiens pourrait être réduit à trois sur quinze. Les administrateurs seraient en priorité responsables devant la société constituée au Royaume-Uni.

1. Gouvernance – Conflit d’intérêts de la Bourse de Toronto dans la réglementation des inscriptions

1.1. Les autorités consultantes doivent examiner la demande sous l’angle de leurs critères respectifs de reconnaissance. En vertu des critères de reconnaissance de la CVMO, l’évaluation de cette demande doit notamment déterminer si « la structure et les ententes de gouvernance de la bourse garantissent que *…+ les décisions commerciales et réglementaires concordent avec le mandat d’intérêt public de la Bourse *…+ *et que+ la Bourse a des politiques et des procédures pour déceler et gérer convenablement les conflits d’intérêts *…+ ».1

1.2. FAIR Canada s’inquiète en premier lieu de savoir comment la TSX et la Bourse de croissance TSX (« TSX-V ») s’acquittent de leurs rôles d’organismes de réglementation des sociétés inscrites et quelle incidence aurait la transaction proposée sur leur rôle de réglementation. Actuellement, la TSX assume la fonction de réglementation des inscriptions tout en profitant de la fonction commerciale de l’inscription. La fonction de réglementation des inscriptions joue un rôle réglementaire et normatif important qui a un impact considérable sur l’intégrité des marchés et la protection des investisseurs. Nous nous inquiétons de l’absence de moyens de protection adéquats pour gérer le conflit d’intérêts inhérent apparaissant entre le statut d’entreprise à but lucratif du Groupe TMX et les rôles de la TSX et de la TSX-V comme autorités de réglementation
des sociétés cotées. Comme l’indiquait un rapport d’expert commandité par FAIR Canada intitulé « Gestion des conflits d’intérêts dans la réglementation des sociétés inscrites à la Bourse de
Toronto »2 (le « rapport FAIR Canada ») :

Si l’ordonnance de reconnaissance de la TSX contient des conditions précises portant sur les conflits d’intérêts de l’auto-inscription, elle ne contient en revanche aucune disposition qui obligerait la TSX à séparer ses activités de réglementation des inscriptions de ses activités commerciales ou à mettre en application des politiques ou des procédures portant sur les conflits d’intérêts entre ses activités d’inscription en bourse et ses mandats de réglementation des inscriptions.

1.3. Le Rapport FAIR Canada constate aussi que les sept autres grandes Bourses du monde examinées ont résolu les conflits d’intérêts en mettant en place l’un des trois mécanismes de gestion des conflits d’intérêts spécifiques et solides. Il indiquait également que « la TSX est la seule Bourse de ce groupe qui n’a pas instauré de mesures particulières pour gérer ses conflits d’intérêts […]. »

1.4. Comme indiqué dans le rapport final du comité spécial de l’Assemblée législative de l’Ontario3 « *…+ L’avantage principal des fusions, selon eux, est la réalisation d’économies d’échelles découlant de la combinaison des investissements en technologie et des revenus tirés des inscriptions. » Il est clair que l’attention sera portée sur la fonction commerciale après une fusion. Les conflits d’intérêts existants seront seulement exacerbés par une fusion avec (ou un rachat par) LSEG en raison des nouvelles pressions commerciales qui résulteront de la fusion.

1.5. Depuis que le Groupe TMX s’est démutualisé et est devenu une société par actions il y a une dizaine d’années, sa motivation première est de maximiser la valeur pour ses actionnaires, et non l’intérêt public ou les intérêts des marchés financiers canadiens. Les principales places boursières sur d’autres marchés développés ont reconnu les problèmes découlant des conflits entre leurs activités commerciales et leurs fonctions de réglementation et ont pris des mesures pour gérer ces conflits.4

1.6. Dans son rapport de mars 2010 sur la Commission des valeurs mobilières de l’Ontario,5 le Comité permanent des organismes gouvernementaux de l’Assemblée législative de l’Ontario (le « Comité ») se disait préoccupé par « la perception que la Bourse de Toronto ne respecte pas les normes internationales en ce qui concerne la séparation de ses activités commerciales et de réglementation ».6 Le Comité recommandait que « la Commission examine le potentiel de conflits d’intérêts entre les fonctions commerciales et de réglementation de la Bourse de Toronto et prenne les mesures nécessaires pour régler les problèmes identifiés ».7

1.7. La TSX est un cas d’exception dans la réglementation des bourses des pays développés en ce qu’elle n’a pas agi pour gérer convenablement les conflits d’intérêts inhérents à ses objectifs commerciaux et réglementaires. Les autorités de réglementation canadiennes doivent agir pour faire en sorte que la TSX respecte au moins la norme internationale de « meilleure pratique » minimale de gestion des conflits d’intérêts. Ce commentaire s’applique également à la TSX-V.

1.8. L’approche préférée de FAIR Canada pour gérer les conflits d’intérêts de la TSX dans la réglementation des inscriptions serait un transfert de ses fonctions de réglementation des inscriptions à un autre organisme de réglementation, de préférence un organisme d’autoréglementation indépendant (« OAR »). C’est la stratégie qui a été appliquée par les organismes de réglementation canadiens concernant la réglementation des membres de la TSX et ses fonctions de réglementation du marché au moment où celle-ci a été démutualisée.

1.9. Sinon, nous recommandons qu’une des autres options de politique présentées dans le rapport de FAIR Canada soit adoptée pour assurer la gestion adéquate des conflits d’intérêts concernant les inscriptions par la TSX et la TSX-V.8 Ces options sont : (1) le transfert de la fonction de réglementation des Bourses aux organismes de réglementation provinciaux, stratégie qui a été adoptée au Royaume-Uni pour la réglementation des inscriptions par la Financial Services Authority (« FSA »), ou (2) la constitution d’une filiale distincte dotée d’un conseil d’administration indépendant, comme a fait la NYSE.

1.10. Quelle que soit l’issue de la transaction proposée, des mécanismes précis et solides doivent être mis en oeuvre pour gérer les conflits d’intérêts entre les responsabilités de réglementation des inscriptions de la TSX et ses activités commerciales. Si la transaction proposée doit être autorisée, la mise en place de tels mécanismes doit être une des conditions imposées avant que ne soient accordées les approbations nécessaires.

2. Les risques pour l’intérêt national du Canada

2.1. FAIR Canada considère que la transaction proposée entre Groupe TMX et LSEG ne présentera aucun avantage réel pour les marchés de capitaux canadiens. FAIR Canada reconnaît que la transaction proposée présente des avantages pour les actionnaires actuels de TMX, mais n’entrevoit aucun avantage réel pour les émetteurs ou les investisseurs inscrits.

Gouvernance de Mergco

2.2. Selon les dispositions de la transaction proposée, la plupart des administrateurs et des dirigeants du nouveau groupe boursier seraient même moins bien informés et plus éloignés des besoins des investisseurs canadiens et de ceux des émetteurs et des courtiers en valeurs mobilières canadiens.

2.3. Les dispositions du projet prévoient que les administrateurs canadiens formeront une minorité (sept sur quinze) des membres siégeant au conseil d’administration de l’entité formée suite à la transaction (« Mergco »), ce qui signifie que, en pratique, LSEG aurait le contrôle du conseil d’administration. Cette disposition ne serait applicable que pour une durée de quatre ans à compter de l’acceptation de la transaction proposée, après quoi le nombre d’administrateurs canadiens pourrait être réduit à trois. Par ailleurs, FAIR Canada souligne que ce n’est pas la nationalité des administrateurs qui importe, mais plutôt le fait que leurs obligations est de représenter au mieux les intérêts de la société au conseil d’administration de laquelle ils occupent un siège. Si la délégation canadienne de la société et la proportion d’actionnaires canadiens sont inférieures à celles du Royaume-Uni, alors il est possible que des décisions soient prises qui ne servent pas les intérêts de TSX ou de TSX-V et, par extension, du Canada.

Surveillance réglementaire

2.4. Comme indiqué dans l’avis et appel de commentaires de la CVMO,9 « la surveillance réglementaire est fondamentale pour garantir la confiance dans les activités d’une place boursière et la qualité des marchés en général, notamment en ce qui concerne la liquidité, la transparence et les coûts des transactions. Cette surveillance est également un outil important pour les autorités de réglementation des valeurs mobilières, qui leur permet de gérer le risque systémique. »

2.5. Alors que les autorités canadiennes de réglementation des valeurs mobilières conserveraient un pouvoir réglementaire important sur le Groupe TMX si la transaction proposée était approuvée, le pouvoir ultime de réglementation de la société post-fusion dans son ensemble reviendrait à la FSA britannique. Cela présenterait des risques pour la protection des investisseurs canadiens, notamment en raison des fonctions d’autoréglementation du Groupe TMX, en particulier en ce qui concerne la réglementation des inscriptions.

2.6. Par ailleurs, si des ordonnances sont rendues qui approuvent la propriété effective de toutes les actions ordinaires du Groupe TMX au profit de LSEG, des changements ultérieurs quant au contrôle du Groupe TMX ne pourraient avoir lieu qu’avec l’accord des autorités britanniques. L’autorisation des autorités canadiennes de réglementation des valeurs mobilières ne serait pas nécessaire, à moins qu’elle ne soit expressément requise en vertu d’une ordonnance de reconnaissance.

Précédent en Australie

2.7. Dans un communiqué de presse joint à une ordonnance interdisant l’acquisition de l’Australian Securities Exchange (« ASX Limited » ou « ASX ») par Singapore Exchange Limited (« SGX »), le vice-premier ministre et ministre des Finances australien s’exprimait ainsi :

« Limiter la souveraineté économique et le pouvoir de réglementation de l’Australie sur l’ASX ne pourrait se justifier que si des avantages substantiels étaient constatés pour notre pays, tels qu’une augmentation considérable des possibilités d’accès aux marchés de capitaux pour les sociétés et les investisseurs australiens. *…+ L’absence de souveraineté en matière de réglementation sur la société post-fusion ASX-SGX présenterait des risques importants et des problèmes de contrôle qui affecteraient la réglementation efficace des activités d’ASX, notamment relativement à ses fonctions de compensation et de règlement. Les autorités de réglementation financière australiennes m’ont informé que des réformes pour renforcer notre système général de réglementation devaient être une condition préalable à tout transfert de propriété de l’ASX à l’étranger afin d’annuler ces risques.

2.8. Le rôle de l’ASX pour la santé et le développement économiques de l’Australie est tout à fait comparable à celui du Groupe TMX pour le Canada. Des risques importants et des problèmes liés au contrôle se manifesteraient si les autorités de réglementation canadiennes n’avaient pas un pouvoir total de réglementation sur le groupe propriétaire d’une Bourse canadienne. FAIR Canada fait valoir que des réformes permettant de renforcer le système général de réglementation canadien devraient être une condition préalable à toute transaction proposée relativement au Groupe TMX. Les autorités consultantes ne devraient présenter les décisions et les accords requis que si elles pensent que la transaction proposée est clairement dans le meilleur intérêt des marchés de capitaux canadiens.

Force exécutoire des dispositions

2.9. Des inquiétudes ont été communiquées au gouvernement fédéral canadien en ce qui concerne le caractère exécutoire des dispositions adoptées par la LSEG après la transaction. Comme indiqué dans le Rapport final du Comité spécial,10 « des témoins ont également fait remarquer qu’il ne semble pas y avoir de recours quand des investisseurs étrangers renient les engagements qu’ils ont pris envers nos gouvernements ». Même si nous reconnaissons que les autorités consultantes bénéficient d’un pouvoir de surveillance réglementaire et que le gouvernement fédéral pourrait chercher des solutions en cas de manquement contractuel, l’aspect pratique de ces solutions est limité. En particulier, la révocation d’une décision de reconnaissance de la Bourse ne serait pas une solution pratique, étant donné l’importance de TSX, de TSX-V et de la Bourse de Montréal pour l’économie et les marchés canadiens et même pour les investisseurs canadiens. Étant donné le rôle central que jouent les marchés boursiers dans notre système financier, le fait d’autoriser une société constituée à l’étranger à avoir le contrôle quotidien d’actifs canadiens essentiels présente un risque potentiel réel pour l’intérêt public.

La transaction ne sert pas clairement l’intérêt public

2.10. Les autorités consultantes doivent déterminer s’il est dans l’intérêt public de rendre les ordonnances et d’approuver les décisions de reconnaissance modifiées requises dans les avis ci-dessus, notamment

  • une ordonnance de la CVMO approuvant la propriété effective de toutes les actions ordinaires du Groupe TMX au profit de LSEG;
  • une ordonnance de l’AMF approuvant la propriété effective de toutes les actions
    ordinaires du Groupe TMX au profit de LSEG;
  • une ordonnance de reconnaissance modifiée et mise à jour pour le Groupe TMX et
    pour TSX;
  • une ordonnance de reconnaissance modifiée pour TSX-V.

2.11. FAIR Canada pense que TMX n’a pas fourni de preuves éloquentes ou probantes permettant d’établir que la transaction proposée est clairement dans l’intérêt public. Cependant, si les autorités consultantes jugent qu’il est dans l’intérêt public de rendre les ordonnances requises, FAIR Canada suggère que des conditions supplémentaires soient imposées avant que les demandes contenues dans les requêtes déposées auprès des autorités consultantes ne soient favorablement accueillies, afin de protéger les investisseurs canadiens et de garantir l’intégrité des marchés de capitaux canadiens.

FAIR Canada aimerait participer à l’audience publique de la CVMO relative au projet de fusion, qui aura lieu les 21 et 22 juillet 2011, pour exprimer directement son point de vue à la CVMO.

Nous vous remercions de nous avoir donné l’occasion de présenter nos commentaires et nos opinions dans ce mémoire. Nous acceptons volontiers sa publication et serions heureux d’en approfondir le contenu avec vous au moment qui vous conviendra. N’hésitez pas à communiquer avec Ermanno Pascutto (416 572-2282/ermanno.pascutto@faircanada.ca) ou Marian Passmore
(416 572-2728/marian.passmore@faircanada.ca).

Sincères salutations,

Fondation canadienne pour l’avancement des droits des investisseurs

1 (2011) 34 OSCB 5722
2 John W. Carson, « Managing Conflicts of Interest in TSX Listed Company Regulation » (2010) [La gestion des
conflits d’intérêts dans la réglementation des sociétés cotées à TSX], en ligne : FAIR Canada
<https://faircanada.ca/wp-content/uploads/2008/12/TSX-Listings-Conflicts-final-report-23-Jul1.pdf>
[Carson]; en anglais seulement.
3 Comité spécial sur la transaction proposée entre le Groupe TMX et le London Stock Exchange Group – Rapport final, avril
2011, à la page 4.
4 Carson, note 1 ci-dessus, p. 28
5 Comité permanent des organismes gouvernementaux, Rapport sur les organismes, conseils et commissions : Commission des
valeurs mobilières de l’Ontario » (mars 2010), en ligne : http://www.ontla.on.ca/committee-proceedings/committeereports/
files_pdf/OSC%20Report%20French(1).pdf
6 Note 2 ci-dessus, p. 35
7 Note 2 ci-dessus, p. 35
8 Note 2 ci-dessus, p. 52-56
9 (2011) 34 OSCB 5714-5763
10 Note 3 ci-dessus